Malentendu

Triste. Je suis triste. Le seul mot qui décrit mes sentiments: triste.

Je ne peux pas le croire. Pourquoi moi? Je ne sais pas. Je ne voulais pas. Je n'ai rien demandé, et il est là. Rien qu'une maladie... Tu parles! C'est un vrai cauchemars. J'en ai marre. Sale petit microbe. Je tousse. Il ne faut pas que je le contrarie, ou il se met en marche et me fait souffrir jusqu'à ce que je n'en puisse plus. Je m'en fiche. Qu'il me tue. De toute façon je n'échapperai pas à la mort. C'est à cause de lui en plus. Ce n'est qu'une maladie, mais... En fait, il m'a déjà tué. La seconde où il a frappé à ma porte. Mais bon. Et si je lui donnais un nom? Après tout, il fait parti de moi maintenant. Et je vivrai avec lui jusqu'à ma mort. Qui est proche d'ailleurs. Albert. Oui c'est bien comme nom: vieux, pourri, méchant. Comme lui. Je tousse. Je crois qu'il n'aime pas. Tant pis c'est moi qui décide. Ce n'est qu'un petit microbe qui s'est invité dans mon corps. Petit microbe dévastateur. Pourquoi n'es-tu pas allé chez la voisine? Lui répétais-je sans cesse. Ah oui c'est vrai, il y est déjà allé... et elle est partie, morte. Comme une mouche. Un jour on la découverte sur le palier de sa porte, morte. Elle s'apprêtait à partir, mais le microbe la achevé. Comme moi dans peu de temps. Pourquoi es-tu venu gâcher ma vie Albert? Mon petit quotidien si paisible, dans mon royaume à moi? Toujours pas de réponse. Il ne parle pas, il agit. J'ai mal. Et il agit bien.

J'ai déjà essayé de le fuir, mais il me rattrape. J'essaye de le combattre, mais il est fort mon Albert. Je crois que je n'y peux rien. Il ma choisi. Tu as fais le mauvais choix, lui répétais-je. Mais il ne fait qu'agir. Je tousse. J'en ai marre. Autant mourir maintenant. Ce n'est pas mieux de mourir d'accident que de maladie? Je ne crois pas. Mais tant pis. Pour moi, je suis déjà morte.

Ce que j'aimerai courir dehors. Sentir l'herbe fraiche sous mes pieds nus. Sentir le vent caresser mon visage, et faire virevolter mes cheveux. Je veux être libre. Retrouver mes amis les fleurs, encore plantées dans la terre. Parce que j'en vois des fleurs. Oui, on m'en apporte dans un vase. Un vase noir. Ça me rappelle la mort. Les fleurs qu'on m'apporte sont toutes magnifiques. Mais elles finissent par faner, et à être jetées dans la poubelle. Oh oui j'en avais des fleurs, mais elles s'entassaient toutes dans ce cylindre noir. Encore du noir. Même pour une poubelle. C'est absurde. C'est triste. Vraiment triste. Depuis combien de temps suis-je prisonnière? Je ne sais pas. Il m'empoisonne. Je ressent de la colère. Envers lui. Cette misérable petite maladie.

J'ai mal. Je me plains tout le temps. J'en ai marre. Qu'on m'achève. Comme la voisine. Elle, elle a appelé son microbe Jean. Mais comme il la tué, il est entretenu dans un hôpital. Il est seul. Pourtant il y en a plein de victime qu'il pourrai choisir. Mais il est toujours seul. Personne ne veux de lui. Normal, pour un microbe. Qui voudrait d'une maladie de plus? On a assez de soucis dans notre vie comme ça. J'aurai aimé avoir le choix moi aussi. Mais je suis prisonnière de mon petit Albert. Il me mène à ma perte. Je chute. Je suis seule. J'en ai marre. Même ma mère ne comprend pas ce que je ressent. Elle, elle s'en ai sortie de son microbe. Moi je n'en veux pas. J'ai mal.

Il est gros maintenant. Il a grandi. Je vais bientôt mourir. De maladie. Pas de la peste quand même, mais de ce microbe. J'aurai voulu que ce soit d'accident. Mais je suis prisonnière, de ma chambre, à cause d'Albert. Il me séquestre. J'ai du mal à bouger. Je n'ai pas le choix. Je me lève. Je vomis. J'ai mal. Je tousse. Ça n'en finira donc jamais? J'aimerai tant me débarrasser de cet étranger. Je n'aurais pas du me trouver en face de cet homme. C'est lui la cause. Pourtant je l'aime, et lui aussi. Je crois. Alors pourquoi il m'a fait ça? Il ma contaminé. Maintenant je porte son microbe. Satané maladie! J'en ai marre. Je tousse. Je suis malade. Je veux sortir. M'échapper. Fuir.

Toujours moi moi moi. J'en ai marre. Je suis égoïste. Je ne suis pourtant pas la seule à qui ça arrive. Méchant!!! Je te déteste! Lui répétais-je. J'ai mal. Ça y est. C'est fini. Je vais mourir. Je... Je ne sais plus quoi dire. J'en ai marre!!! Qu'on me laisse sortir!! Qu'on détruise ce microbe!! Albert je te hais!! Va t'en!!! Aidez moi...

Voilà ce que je me disais alors que je n'avais que 19 ans. Aujourd'hui, je vis encore avec ce ''microbe'', comme je l'appelais. Et elle s'appelle Eléa. Elle a maintenant 4 ans. Et c'est un vrai petit ange. Ma fille ma sauvé la vie. Bien que je l'ai détesté toute ma grossesse. Je l'ai aimé à partir de la seconde où je l'ai vu. L'homme que j'aime aussi était là. Il est venu à la naissance de sa fille contre mon gré. Lorsque je lui en voulais encore. La voisine n'a pas eu de chance, elle est décédée pendant l'accouchement. Mais moi, je suis heureuse maintenant.