5 | 'DES CUISSES TACHETÉES'

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« Je vais aller me doucher, je pense. »

Ce fut une des premières phrases qui quitta tes lèvres alors que tu rangeais tes clés après avoir ouvert la porte d'entrée de ta maison. Isagi était sur tes talons, et tu préférais ne pas trop prêter attention à la manière dont il allait percevoir ton chez-toi.

C'était modeste, vaguement étriqué sans l'être quand on était plus de quatre dans une pièce, mais suffisamment grand pour une maison en banlieue de Tokyo. C'était sobre sans l'être ; les décorations et meubles étaient loin d'être luxueux ou polis, mais étaient pour autant bien présents. C'était accueillant et plutôt chaleureux, et Isagi s'était penché pour observer les photos de famille accrochées au mur. Il avait ri doucement, et avait pointé du doigt ta bouille enfantine, ses joues rosissant légèrement avant de déclarer que tu étais mignon. Le sourire sur ses lèvres avait été éclatant.

En t'entendant prononcer ces mots, il s'était redressé et avait hoché la tête.

« Désolé, j'étais trop habillé à la patinoire, j'ai l'impression de nager dans ma sueur, tu t'excusas en lui jetant un regard peiné, prenant le temps de retirer ton manteau.

Pas de soucis, je t'attendrai.

— Merci. Euh, si tu as faim, il y a des taiyaki sur le plan de travail de la cuisine. Ma mère en a fait pour mon retour, mais il y en avait beaucoup trop. Sinon, je vais monter, tu peux me suivre, ma chambre est à l'étage aussi. »

Tu vis passer sur son visage un éclair de surprise avant qu'il opine de la tête encore une fois. Tu détournas le regard avec un petit ricanement ; tu n'étais pas stupide, tu savais quelles idées avaient pu traverser son esprit contre son gré. Pour autant, il ne balbutia pas, et finit par toussoter avant de regagner son sérieux.

« Ok, je te suis. »

Il ne te suivit pour autant pas très longtemps, car après un vague signe de la main et un sourire réconfortant, tu fermas la porte de ta salle de bain et te séparas de lui. Ce fut à cet instant que tu te laissas glisser contre la porte, enfouissant ton visage brûlant entre tes mains, succombant au rythme endiablé de ton cœur qui dansait dans ta poitrine. Tu avais tenté d'ignorer ses battements impulsifs qui avaient résonné jusque dans tes oreilles, quand tu avais proposé à Yoichi d'aller dans ta chambre, et maintenant qu'il ne pouvait plus te voir, tu laissas un soupir fébrile quitter tes lèvres. Ta respiration était tremblante.

« Une douche pour ne pas péter les plombs, murmuras-tu pour toi-même, pour tenter de te rassurer, Tout va bien. Il ne pense à rien. »

Tu te sentis grimacer après avoir prononcé ces derniers mots, et laissas l'eau t'envahir pour noyer ce que tu savais être un mensonge. Évidemment, qu'il avait pensé à quelque chose. Tu l'avais vu sur son visage, l'instant de panique qui s'était évanoui aussi vite qu'il était arrivé quand tu avais mentionné ta chambre.

« Sois pas un pervers, t/p, essayas-tu de t'ordonner. »

L'eau ruisselait sur ton visage ; elle avait beau laver ton corps, elle ne réussirait pas à laver tes pensées.

Quand tu ressortis de la douche, tu pris une grande inspiration, et, gardant la serviette autour de tes épaules, réussis à te convaincre que paniquer ne t'amènerai nulle part. Tu le savais ; trop réfléchir te mènerait à ta perte. Garder un esprit clair, sain, sans commencer à divaguer, à imaginer ce qui pourrait se passer dans ta chambre – le meilleur comme le pire.

Quand tu retournas dans ta chambre, fraîchement rhabillé d'un t-shirt et d'un short de sport classique, tu trouvas Isagi assis au beau milieu de ton lit, en train de feuilleter le Shonen Jump que tu n'avais pas rangé. C'était celui que tu avais laissé sur ta table de chevet, celui que tu n'avais jamais fini à cause de ton entrée au Blue Lock. Tu avais recommencé à le lire la veille au soir, une fois tranquillement allongé chez toi, aux portes du crépuscule.

À Nos Instincts RationnelsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant