Partie 1 : La rencontre

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Je marchais dans les rues de Paris. Le temps était doux en ce samedi matin d'avril, ce qui n'empêchait pas de nombreuses personnes de s'affairer. Je vivais constamment dans une fourmilière : ainsi était la vie, à Paris. Excitante, intense, mais éprouvante.

J'avais rendez-vous avec ma très certaine future hôte, dans un café des Champs-Elysées. J'avais été très surprise par le choix de cet endroit prestigieux de la ville, mais ce n'était pas le moment pour les interrogations incongrues. Je ne connaissais pas encore la personne que j'allais rencontrer d'ici quelques minutes, si ce n'est par l'échange de courriels répétés. En effet, je cherchais depuis de nombreuses semaines un logement digne de ce nom et qui correspondait à mes moyens limités de jeune étudiante en comédie... J'avais visité de nombreux loyers, tous plus chers et plus piteux que les précédents, si bien que j'avais fini par me décourager. Et puis, par hasard, j'étais tombée sur une annonce particulièrement attractive. Une chambre plus que spacieuse et confortable, pour à peine cinq cent euros nets par mois. De quoi attirer de nombreuses personnes... Je m'étais donc ruée sur ma boîte mail et avais envoyé illico un message à l'hôte de ces bois, bien décidée à ne point me faire doubler.

Et à mon plus grand bonheur, j'avais reçu une réponse positive. Nous avions par la suite échangé quelques banalités, mais aucun élément de nos vies privées respectives. Je n'avais donc aucune idée de qui elle était, mis à part qu'elle faisait des colocations et qu'elle avait environ trente ans.

Je regardai ma montre : neuf heures cinquante. On m'attendait pour dix heures, j'étais donc en avance.

Je me dirigeai vers une terrasse plutôt calme et ensoleillée. Il y avait peu de monde, mais cela était compréhensible car les Parisiens n'ont pas le temps de boire un café en papotant de tout et de rien, même en bonne compagnie. J'avais bien évidemment la certitude d'exagérer les choses, mais je n'en pensais pas moins.

Je tournai la tête à droite et à gauche et tombai sur une table occupée par une jeune femme. En face d'elle, il y avait une chaise vide. Elle semblait plongée dans la lecture d'un roman visiblement passionnant.

J'avais la claire impression d'avoir trouvé ma future colocataire. Si c'était le cas, elle était très ponctuelle... Je marchai calmement vers elle, voulant faire bonne impression. J'arrivai à sa hauteur, mais elle ne daigna pas lever les yeux de son livre. Je me raclai la gorge et dis de la voix la plus sûre et la plus audible :

- Vous êtes bien Madame Dhenin ?

Elle quitta enfin le livre des yeux et les posa sur moi. Je fus immédiatement fascinée par leur beauté : bleu ciel, pénétrants. J'en dirais même plus : ils avaient quelque chose d'insoumis et de provoquant.

Mais je fus également frappée par son charme évident. Cette femme était magnifique.

Un visage de fée, des lèvres écarlates, une peau pâle à l'apparence soyeuse... J'étais perdue dans ma contemplation.

Consciente que je la dévisageais avidement, elle me lança d'une voix de velours, posée et envoûtante :

- Mademoiselle Dhenin, en effet, corrigea-t-elle, mais appelez-moi Rebecca. Quant à vous, je suppose que vous êtes Emilie ?

J'acquiesçai, avalant péniblement ma salive. J'étais encore retournée par mon face à face avec elle. Remarquant que je n'étais pas engagée à continuer de moi-même la conversation, elle prit les devants :

- Très bien, je vais vous montrer votre chambre.

Rebecca se leva, déposa quelques pièces sur la table, et m'invita à la suivre. J'essayais de reprendre mes esprits. J'y parvins, mais difficilement. Je n'avais jamais vu créature si délicieuse. Elle paraissait sculptée dans le marbre. Délicate, raffinée, mais si froide et si lointaine... Elle semblait sortir tout droit d'un conte. Ses cheveux d'un noir de jais me firent penser à ceux de Blanche-Neige. J'avais trouvé. Elle était sa réplique exacte, à une différence près : elle n'appartenait pas aux pages d'un livre, mais se tenait à quelques mètres de moi, en chair et en os.

La femme qui n'aimait pas les hommesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant