Prologue
Je n'étais qu'une enfant quand j'ai vu cet homme pour la première fois.
Il ne m'avait pas effrayée.
À cet âge encore, ce n'étaient que les monstres qui se cachaient sous mon lit qui m'empêchaient de dormir. Et lui sortait tout droit de mon rêve le plus merveilleux. Un rêve où, magicienne d'une contrée inconnue, je garantissais à ma famille et mes amis une vie éternelle rythmée par la joie et la paix. Un rêve où, peu importait le peuple, toutes les créatures de ce pays étaient respectées. Un rêve où, que l'on se rende compte que je n'étais encore qu'une enfant et que je devais aller à l'école, magique ou non, était la seule chose que j'avais à craindre. Et cet homme n'était qu'un simple figurant. Une ombre parmi les autres, dont le visage s'était gravé dans mon inconscient sans marquer ma mémoire.
Acte I, scène 1
Mardi 9 mars 2007
Cher journal,
La semaine dernière, j'ai revu l'homme de mes rêves.
Il m'a pas effrayée.
Pourtant, ce jour-là, dans ma chambre, il était bien réel. Il a comme traversé le miroir accroché à l'un des murs de mon refuge !
J'ai compris que les monstres étaient pas ce qu'on devait craindre.
On est allés à l'enterrement de mamie, la semaine dernière. J'ai beaucoup pleuré, comme papa et maman. C'est que je l'aimais beaucoup, ma mamie, et je suis triste de plus la voir. Triste de savoir que je ne mangerai plus ses bons gâteaux au miel et que je jouerai plus aux petits chevaux avec elle. C'est la première fois que quelqu'un me manque. C'est bizarre, comme si des petits bonhommes creusaient dans mon ventre et remplissaient avec du béton qui fait mal.
Alors quand cet homme a posé les pieds sur mon parquet le jour après l'enterrement, le regard exprimant autant d'incompréhension que le mien, j'ai pas fui.
J'ai pas crié.
Je l'ai fixé.
En silence.
Puis une seule question a réussi à passer la barrière de mes lèvres. Il était vêtu d'une simple chemise toute froissée, d'une cravate à moitié dénouée, d'un pantalon plissé et... il portait pas de chaussures. Ni de chaussettes ! Alors, moi, j'étais curieuse.
Je lui ai demandé : vous avez pas froid ?
Il m'a fixée, étonné, comme si ma question était plus étrange que sa présence.
Et il a juste dit : ça a tellement changé.
Je comprenais rien à ce qu'il disait.
Alors je l'ai observé.
Il était grand. Grand comme un adulte, et pourtant son visage avait pas perdu la petite étincelle qui distingue les enfants des grandes personnes. Tu sais, celle qui nous rend plus intéressants qu'eux ! Il avait des cheveux en bataille, comme s'il venait de se réveiller. Même moi mes cheveux sont mieux coiffés quand je sors du lit. Puis j'ai regardé sa bouche, qui ne cessait de murmurer des choses incompréhensibles, plus incompréhensibles même que quand je parle la bouche pleine à table et que papa et maman rouspètent. Mais moi j'ai pas rouspété. Mes yeux ont remonté son nez tout droit puis se sont arrêtés à ses yeux. C'est là que j'ai su que je l'avais déjà vu.
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Fragments d'Eternité
Short StoryNouvelle écrite pour un concours sur le thème du Temps place : 8ème/120