1- RUE

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Vendredi 06 septembre 2013, France

Détaillant mon reflet dans le miroir face à moi, je passe mes doigts sur le haut de ma pommette qui portera à jamais la cicatrice de son dernier coup.

Cela fait deux mois que nous avons quitté notre enfer et j'ai pourtant l'impression que c'était encore hier.

Et j'ai cette peur constante que d'une seconde à l'autre, il débarque et reprenne place dans nos vies. J'ai peur qu'il nous retrouve alors qu'on semble enfin avoir trouvé un nouveau chez-nous.

- Rue, tu n'oublieras pas de te rendre à ton rendez-vous!

La voix de ma mère venant du rez-de-chaussée me sort de mes pensées. Je quitte la salle de bain et descends les escaliers, atterrissant dans la cuisine où ma mère était en train de chercher ses affaires.

- Je sais que j'oublie pas mal de choses mais ça doit faire la troisième fois que tu me le répètes en l'espace d'une demi-heure, dis-je.

Depuis que nous sommes partis de chez mon géniteur, une amie à ma mère lui a conseillé que moi et Maxence suivent une thérapie pour nous aider dans cette période difficile. Je ne vois pas bien ce que ça peut nous apporter mais j'ai accepté d'avoir un premier rendez-vous avec un psychologue pour faire plaisir à ma mère.

Elle a besoin que j'aille mieux pour qu'elle aille mieux.

Étonnement, Max se porte mieux que je ne l'aurai pensé. Il ne comprend pas pourquoi on ne vit plus avec notre géniteur. Il a eu la chance de ne pas être témoin de sa violence ni d'être une de ses victimes comparé à moi et ma mère.

- Tu veux que je t'emmène? Me demande-t-elle.

- Non je vais y aller avec ma moto, t'inquiètes.

- Je ne sais toujours pas pourquoi je t'ai laissé passer ce permis plutôt que celui pour la voiture...

- T'en fais pas, je serai prudent. Tu commences à quel heure le boulot?

- Vingt-et-une heure. Je serai de garde toute la nuit donc je ne rentrerai pas avant quatre heures du matin. Tu pourra-

- M'occuper de mon frère? La coupais-je. T'en fais pas, je gère comme d'habitude.

Elle me sourit, soulagée, avant de commencer à déballer les premiers cartons de la cuisine.

- Laisse, je m'en occuperai en rentrant tout à l'heure. Tu devrais aller te reposer avant de commencer le boulot.

- Tu es un ange.

Elle contourne l'ilôt central et pose sa main sur ma joue de manière affective comme elle l'a toujours fait, avant de partir rejoindre sa chambre. Je regarde cette cuisine, cherchant peut-être à me familiariser avec l'endroit. Les murs étaient blancs, les meubles crèmes et certains gris, on voyait bien que cette pièce n'était pas encore entachée par des histoires passées, par une vie. Comme tout le reste de la maison. C'était un endroit neutre. Un peu trop à mon goût.

Et c'était peut-être ça qui me dérangeais. Soit ça, soit le fait que mon passé me hantait un peu trop et que j'avais peur que ça se passe mal ici aussi.

Je sors dans le jardin à l'arrière de la maison et j'y retrouve Max qui est déjà en train de se chercher un endroit où construire une cabane, j'en suis sûre. Je pars le rejoindre et lorsqu'il me voit, il court s'agripper à mes jambes.

Je m'abaisse pour le porter dans mes bras et heureusement qu'il n'a que six ans et que j'ai assez de force dans les bras autrement, je perdrai mon équilibre. Je remarque qu'il fait la moue et que quelque chose semble lui déplaire.

DAMAGED Où les histoires vivent. Découvrez maintenant