60 jours.

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7076 mots, OS pour le concours d'ackioshi.

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Les étés mouillés de Tokyo coulaient sur ma peau comme les glaçons que je mettais dans mes bières

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Les étés mouillés de Tokyo coulaient sur ma peau comme les glaçons que je mettais dans mes bières. C'était le soir, je venais de poser mon sac à côté de la porte, dans l'entrée. Debout devant le rideau de cordes qui cachait mon salon, je regardais le balcon vide en replaçant mon unique mèche rousse. Au milieu de ce ramassis de cheveux noirs bouclés, une fine bande de rouge avait trouvé sa place à mon dernier rendez-vous chez le coiffeur.

Le balcon, c'était ma réservation pour les soirées comme celle-là ; il fallait préparer une clope, un joint et une Heineken pour profiter de la vue, et pas autrement. Alors avant de passer la portière à perles, je soupirais en rejetant la tête en arrière. J'étais poisseuse et collante après mes courses dans les rues, et pour apprécier Tokyo allumé dans les nuits brûlantes, c'était mieux d'être propre. Ni une ni deux, et j'étais assise dans la douche, le jet froid coulant sur ma gorge et ma nuque. Je refusais de s'adosser au carrelage blanc, il était gelé. Les jointures, crasseuses, ne me donnaient pas envie non plus.

Débardeur tout juste sorti de la machine à laver, attrapé sur le fil à linge qui pendait au plafond du vestibule et short défoncé par le vélo, je m'échappais de la salle de bain mal éclairée dans un coup de vent. Pressée d'avoir entre les mains ma bière et ma clope, j'ouvris le frigo en roulant cette dernière, joues suantes. La chaleur lourde tapait toujours, et même après quatre heures de douche, la transpiration revenait sans prévenir.

Je me pris les billes dans le front, gromella que maman aurait pu faire un effort en achetant une vraie porte. Il était clair qu'elle serait restée ouverte à toute heure de la journée, mais on ne se serait pas pris les pieds dans des petits fils secoués de perles. Alors quand je les passais pour rejoindre le salon et trouver un briquet, j'étais très certainement à deux doigts de les arracher.

En fouillant dans les poches de mon manteau, puis de celui de maman, je trouvais le précieux allume-feu rouge. J'avais le goulot de la bière entre l'auriculaire et l'annulaire, le briquet coincé dans la même main, et j'allumais la cigarette en rapprochant la flamme de l'objet, devant mes lèvres. Après tant de temps passé à tenter de brûler le bout de ma cigarette sans faire tomber la boisson, j'avais les mains agiles. Un éclat orange brilla instantanément, j'eus les yeux irisés sous le tout petit feu du briquet. C'était probablement les seuls moments de ma vie où j'étais concentrée.

Débarrassée dudit briquet, je pouvais enfin émerger de mon petit monde brûlant de nicotine et je claquais la porte coulissante du balcon pour s'accouder sur la rambarde de fer. Elle tangua sous mon poids : cette maison était vraiment pourrie. Le seul avantage d'habiter dans un HLM, c'était que personne ne viendrait faire chier personne. Si le voisin puait le shit en sortant de chez lui, c'était son problème. Et ici, même les ados avaient libre vie.

J'avais les cheveux devant les yeux. Des mèches brunes, vertes, blondes, oranges, cadavres exquis de mes expériences capillaires passées. Vraiment, il en avait fallu, des tubes de teinture, pour créer un patchwork pareil. Je me souvenais vaguement du jour où l'idée m'avait traversé l'esprit : un peu con, certes, mais ça rendait bien dans le miroir. Quand j'avais séché cette catastrophe, je m'étais rendue compte de l'horreur que je devrais désormais trimballer au lycée. J'avais l'impression d'avoir peinturluré un raton-laveur pour me le coller sur la tête.

60 jours. m.bachiraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant