Arrêt de bus

30 septembre, 8h42

Omniscient, 30 septembre 2022

8h42

La police vient d'arriver devant le garage de Martin Suksi, père d'Emy Suksi. Ils ont d'abord cru à un canular, ils ne cessent d'en recevoir depuis que l'histoire de Lynn-Isore Toms a fait le tour des réseaux sociaux, mais en entendant la panique dans la voix de Martin, ils ont accepté de se déplacer. La scène est terrifiante. Ca sent mauvais. La pisse est dans ce seau depuis plusieurs jours au moins. A première vue, impossible de déterminer si Lynn-Isore Toms est bien vivante. Son corps est couvert de cicatrices et de peinture. « C'est plutôt réussi » pense un policier avant de s'en vouloir. C'est un amateur, mais il sait reconnaître « Le cri » d'Edvard Munch. Lynn-Isore ne bouge pas d'un cil. Yeux fermés, corps froid. En s'approchant, on comprend qu'elle respire juste un peu. On fait venir une ambulance en urgence et Martin est emmené au poste de police. Il se débat, explique qu'on l'a piégé, qu'il ne comprend pas ce que cette inconnue fait là, allongée sur la table sur laquelle sa fille jouait petite. Sa fille qui est à l'école. Sa fille qui peint quand elle s'ennuie. Sa fille qui était là pendant son séjour en Amérique latine avec sa femme. Sa fille qui... sa fille qui... sa fille. La chambre d'Emy est fouillée, on retrouve les bombes de peinture qui ont servi à taguer les mur du lycée. En déplaçant son armoire, ils retrouvent des scans du journal intime de Jared. Celui sur lequel Emy est tombé et qu'elle a lu alors qu'elle savait qu'elle devait se contenter de le lui rendre. Elle y a découvert l'injustice. Une Lynn-Isore qui humilie son ami d'enfance en lui refilant ses corvées ménagères, en se moquant de ses notes, en volant ses fournitures scolaires comme sa calculatrice lors d'un contrôle de mathématiques. Elle lui a même déjà fait confisquer son téléphone. Emy décide de se venger pour Jared, qui, elle le sait, risque de se laisser faire encore longtemps. Emy n'a pas peur, elle n'en est pas à son premier coup et rentre d'un long séjour en maison de redressement en Afrique du Sud, les parents se sont mis d'accord pour appeler ça des vacances, durant lequel elle a juste renforcé sa conviction que la vie était ennuyeuse si on se comportait toujours bien. D'ailleurs, elle vient de quitter la gare de Vinris. La voici en pleine campagne, loin de chez elle, seule et dans un sacré pétrin.