De l'Autre Côté

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Première place au Concours Fantastique 

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Depuis la fenêtre de l'appartement, l'horizon flamboyait, insufflant aux ombres nocturnes, des envies de grandeur. Réveillées par les dernières lueurs d'un crépuscule estival, celles-ci s'étiraient sur le plancher, le long des murs, derrières les meubles. Insidieusement, elles se glissaient jusqu'au pied du lit, où, transfigurées par les stores, elles habillaient de zébrures les deux corps nus qui sommeillaient tendrement.

Marc ouvrit les yeux.

D'un regard empreint de passion, il contempla son partenaire allongé sur le dos. Le teint blanchâtre de sa peau tranchait avec les draps de soie bordeaux. Le tissu couvrait sa pudeur, laissant entrevoir la délicieuse et délicate toison de son bas ventre. Quelques poils parsemées soulignaient subtilement son nombril. Son torse robuste se soulevait dans une profonde respiration. Inconsciemment, Marc calquait son souffle sur celui du dormeur.

Y a-t-il plus beau qu'un homme endormi ? L'innocence incarnée. Lorsque chaque muscle se relâche, lorsque le visage apaisé oublie ses peines et ses rancoeurs. Y a-t-il plus sincère ? Sur ce masque de Morphée, on lisait candeur et plénitude.

Sans une secousse, Marc s'approcha et entreprit de déposer un baiser dans le cou qui s'offrait à lui. Les effluves de la peau le firent frémir. Il y avait là, la sueur de ses rêveries éthérées, de leurs ébats fougueux, mais aussi, ses apparats suaves, ces parfums masculins aux puissantes notes cuirées qu'aimait porter cet homme mystérieux. Lorsque ses lèvres effleurèrent la peau, l'homme se déroba instinctivement et tourna le dos.

« Laissons dormir les anges ! Chuchota Marc. »

Il fonça alors dans la minuscule salle de bain glacée ouverte sur la chambre. Lorsqu'il essaya à tâtons d'allumer la lumière, sa main rencontra une serviette suspendue, puis un rideau de douche et enfin l'interrupteur. Dans un éclair bleuté la pièce se révéla à lui, carrelée de bas en haut, aussi propre qu'un laboratoire. Pas une trace de savon, pas un cheveu ni un poil ne traînait. L'étalon endormi s'y prenait aussi bien en amour, qu'en ménage.

. . .

Cinq heures auparavant, ils avaient discuté autour d'un verre dans un bar branché de la ville voisine, où affluait la majeure partie des gays de cette région perdue. Dans ce milieu, tous se connaissaient, s'entrelaçaient, s'embrassaient, batifolaient parfois. Pourtant, il arrivait qu'un bel inconnu s'immisce et tous se le déchiraient, se battaient pour lui, se disputaient jusqu'à ce qu'il choisisse un partenaire. L'apparence avant tout, le monde du beau, le monde des sourires attrayants et des pensées sournoises.

Marc, célèbre pour ses yeux bleus, sa peau ambrée et l'audace de ses vingt ans, n'avait pas hésité une seconde cette après-midi là.

« C'est quoi ton p'tit nom ? Lui avait-il susurré à l'oreille en s'approchant. »

Derrière eux, les commérages vénéneux fleurissaient déjà.

« Cyril, ... Je m'appelle Cyril ! Avait répondu l'ange.

- Moi, c'est Marc ! »

Il s'était alors installé, tout naturellement, à côté de lui, avait plongé sa main sur son épaule musculeuse et son regard dans le sien. Un comportement visant à séduire le plus rapidement possible. A ce moment là, Cyril n'avait pas cillé. Il lui avait souri naïvement.

« Tu me suis ? avait demandé Marc en lui prenant la main.

- Ah ! Non, je ne suis pas de ceux là moi ! se défendit l'autre. »

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