La louve s'étira en s'éveillant, observant la chambre où elle se trouvait. La même chambre que depuis des années, le même décors, les mêmes meubles, mais à chaque heure de la journée, le soleil et la lune nappait cet environnement de renouveau et de beauté.
Ce qu'elle aimait le soleil et la lune, ces cycles sans fin, qui ne s'arrêteraient pour rien ni personne, peu importe le drame, peu importe le miracle, un nouveau jour se lèvera au matin.
Un sourire fendit son visage. Qu'il était bon de vivre.
La femme se leva et se prépara une boisson chaude, un petit rituel pour signifier le début d'un nouveau cycle. Bien que chaque cycle lui sembla virtuel, superficiel. Nous, les êtres vivants, les suivons bien docilement, sans raison apparente.
- C'est amusant, grogna-t-elle.
Sa queue remuait doucement, ondulant dans un nuage de fourrure à travers les raies de lumière matinaux.
La Lupus Sapiens ouvrit sa fenêtre, et regarda du haut du deuxième étage en bas, afin d'observer sa nouvelle proie matinale. Elle posa sa tête dans sa main, mordillant son petit doigt, écoutant les notes d'une mélodie s'élever.
"There is a flower within my heart
Daisy, Daisy
Planted one day by a glancing dart
Planted by Daisy Bell
Whether she loves me or loves me not
Sometimes it's hard to tell
Yet I am longing to share the lot
A beautiful Daisy Bell"
Un moineau grattait nonchalamment les cordes d'une guitare acoustique vieillie par l'usage. Sa petite voix fluette venait se marier à la perfection avec les notes de son instrument. Elle l'observait, si frêle, et pourtant se tenant si droit, si fièrement, comme d'un autre monde, où la violence ne ferait pas partie du quotidien. Les griffes de la femme raclèrent le bord de sa fenêtre d'anticipation. Un appétit dévorant lui tiraillait les tripes.
Ah, ce qu'elle désirait voir une expression terrifiée et torturée sur son visage si doux. Mais ce n'était pas l'innocence et candeur apparente de l'oiseau qui lui donnait ces pulsions. Elle le savait, elle le voyait bien, derrière ce sourire en coin si confiant, ses yeux abritaient une abîme sans fond. Et la louve désirait s'en abreuver plus que tout.
Le volatile en entendant la fenêtre habituelle s'ouvrir leva la tête, et observa le mammifère qui aimait à le regarder silencieusement, de loin. Quelque chose dans sa façon de le regarder savait titiller sa curiosité. Alors il lui lança un baiser, quelque peu joueur, s'amusant de la jalousie de son public à ses pieds.
Le sourire carnassier qu'il eut en récompense de son geste le fit rougir malgré lui. Qu'elle était donc cette sensation? Cela n'était en effet pas une forme de féminité qu'il avait l'habitude de côtoyer, une féminité prédatrice, de la forme qui t'engloutit et ne laisse plus rien de toi. Être le sujet d'un tel intérêt le rendait nerveux.
Ses doigts ripèrent sur ses cordes lui faisant faire une mauvaise note. Le gloussement qui parvint d'en haut du bâtiment le firent rougir davantage. Il perdait ses moyens et n'aimait pas ça. Un élan d'égo lui firent reprendre consistance, et c'est avec une certaine forme de rage qu'il continua sa musique, se voulant reprendre une certaine forme de dominance que sa masculinité lui conférait de naissance. Ses adorateurs en furent charmés, mais le visage de la louve se referma, comme ayant perdu tout amusement et ferma la fenêtre, s'isolant de nouveau dans sa tanière.
Le moineau, frustré, finit sa mélodie avec véhémence, mais ne parvint pas à oublier cette expression de déception. Il grimaça, et décida de prendre les devants. Cela ressemblait fort à un piège, cependant son cœur palpitant aimait malgré lui cette situation de frustration qui l'inondait.
Quelques instants passèrent après la fin de la mélodie que des petits coups se firent entendre sur la vitre de sa fenêtre. Ses oreilles se redressèrent, curieuse d'une telle insolence.
En tournant la tête, elle observa son petit moineau, la guitare harnachée dans son dos, volant, une rose au bec.
- Oh? lâcha-t-elle amusée.
La femme ouvrit volontiers la fenêtre.
- Tu te décides à venir faire connaissance? ronronna-t-elle, les yeux plissés d'amusement.
L'oiseau déposa délicatement la fleur, les épines ayant été retirées de la tige, dans la fourrure de la louve derrière son oreille.
- Ce n'est pas très poli de ne point venir dire bonjour au moins une fois. Vous me forcez à venir vous quérir moi-même, fit-il, toujours aussi insolent.
- Mhhh, je préfère notre rencontre ainsi, petit moineau.
Elle l'observa rater un battement d'aile. Ah, ce qu'elle aimait le perturber, lui le fier amuseur de galerie.
- Venez, entrez, je vous offre une boisson ?
- Volontier, déclama l'oiseau, tentant de garder sa contenance, bien que chaque fibre de son corps lui hurlait autant de fuir que de se laisser submerger par ce piège qui se refermait lentement sur lui.
Il entra, observant le petit appartement lumineux, emplit d'animaux de compagnies et de plantes. Il observa également les dessins, textes, et autres formes d'art collés sur les murs, donnant de la vie dans cette pièce aseptisée de couleurs.
- Et vous êtes ?
Il se maudit en entendant sa propre voix couiner et trahir son stress évident.
- Je m'appelle Freewolf. Comme vous pouvez le voir, j'aime l'art, et votre mélodie matinale nourrissait agréablement mon esprit pour débuter la journée.
- Je vois...
La louve lui tendit un café chaud, et ils se posèrent pour discuter, longuement, de tout et de rien, des rires, moqueries, et taquineries emplissant la pièce chaleureusement.
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Ce fut donc ainsi que le petit moineau entra en contact avec la louve. Le début d'une amitié tout sauf classique.
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Les contes d'une louve
General FictionJ'avais envie de poser "sur papier" les relations entre mes personnages furry. Il n'y aura pas vraiment de fil conducteurs, ce seront des petites nouvelles. J'espère que cela vous plaira.