D'aussi loin que mes souvenirs puissent remonter dans le temps, j’ai toujours porté un intérêt tout particulier aux histoires. J'aime, au sujet des souvenirs, à imaginer la chose comme une boîte à musique dont l'on tournerait la clef pour faire exécuter diverses prouesses à une gracieuse danseuse. Je crois que, sans eux, nous ne serions plus que les ombres de nous-mêmes et, pour avoir eu en ma jeunesse l’immense chance de fréquenter l’ombre d’un certain Peter Pan, je pense pouvoir écrire -sans m’exposer à de trop injurieuses critiques- qu’il faudrait être ou bien un enfant perdu, ou bien un être déraisonnable, pour souhaiter devenir l’une d’elles. Ne te méprends pas, cher Lecteur, je sais que tu n’es ni vraiment l’un, ni vraiment l’autre. Mais, comme je le disais à l’instant et d’aussi loin que mes souvenirs puissent remonter dans le temps, j’ai toujours porté un intérêt tout particulier aux histoires.
Celles de capes et d'épées, celles qui ont un jour existées, celles qui auraient pu exister, et celles qui n'existeront malheureusement jamais. Plus jeune, j'avais comme tout bon enfant des affinités avec certaines d'entre elles. De ces histoires que nous réclamions inlassablement à nos parents, soir après soir. Ces mêmes histoires qui nous faisaient frémir, bondir, sourire et, après coup, grandir. J’ai là en tête une légende contée par mon père, et une série de contes mis à l’écrit et lus par ma mère. Leur narration différait en bien des points : mon père faisait vivre ses personnages en leur attribuant différents tons pour m'apaiser et m’endormir, alors même que ma mère me faisait rêver et voyager.
De fait, elle contait les aventures du Docteur, un être venu d'une planète lointaine à l'apparence on ne peut plus humaine, capable de voyager à travers le temps et l'espace depuis une grosse boîte bleue appelée T.A.R.D.I.S. Je crois bien que l’acronyme voulait dire Temps À Relativité Dimensionnelle Inter Spatiale. Le Docteur détestait les combats, le silence, les poires, et par-dessus tout, il abhorrait la solitude à laquelle une vie sans fin le condamnait. De fait, dès lors qu’il rencontrait sur son chemin une humaine dont il appréciait un tant soit peu la compagnie, il l’entraînait avec lui d’étoile en étoile, de planète en planète, d’époque en époque. Ma mère ne m'a jamais fait part des mésaventures de cet étrange personnage, chimère mi-homme, mi-seigneur du temps, et si la moitié de ses péripéties était inventée, je sais aujourd’hui que toutes possédaient pour fondation cette série qu'elle regardait à mon âge.
Mon père, quant à lui, prenait plaisir à me réciter la légende de Wingley. Celle que tout étudiant natif de la région connaît depuis le berceau. Wingley est l'école de Wibstorm où tout jeune âgé de onze à dix-huit ans se rend, et Wibstorm, c'est cet endroit magique où mes parents se sont rencontrés, protégés, aimés et battus, jusqu'à ma venue dans ce monde, et bien plus encore. Une ville trop petite pour pouvoir revendiquer le fait d'en être une et un village trop grand pour pouvoir prétendre en être un. Un petit coin de paradis à la fois urbain, rural et marin, situé à deux heures à peine de Londres. La légende n’était autre que celle-ci :
Il était une fois, au sud du Royaume-Uni, une petite ville des plus charmantes, où régnaient paix, amour, et en de très rares occasions, un brin de magie. L'Angleterre la plus anglaise qu'il n'ait jamais été, disait-on. Des quartiers sûrs, des habitants aimables, un air pur, et des paysages agréables. Le ciel et la mer s'étaient alliés pour protéger ces terres. Celles de Wibstorm, avec son église, son jardin d'enfant, son école, sa librairie et son café, qui faisait, précisons-le - bien que cela ne soit pas d'une importance majeure -, également office de restaurant.
Ces terres n'avaient pas une histoire bien chargée. À vrai dire, la ville n'avait connu qu'une poignée de journalistes et de touristes curieux, il y avait quelques années de cela, lorsque le fish and chips proposé par ce restaurant était entré dans le top dix des meilleurs du pays. Rien de plus. Si ce n'était peut-être quelques sorcières au seizième siècle, à l'image de bien d'autres villes. Elles avaient été brûlées en place publique, et personne ne s'était plus jamais inquiété d'une possible magie encore présente. Les chats noirs n'inquiétaient plus que les plus superstitieux, et nul ne se demandait ce que le coin de son œil pouvait bien lui cacher depuis la nuit des temps.
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Rendez-vous salle 209 (mis à jour)
Teen FictionÀ l'époque de Victor Hugo, on l'appelait le mal du siècle. Baudelaire lui, l'appelait le spleen. Les musiciens quant à eux, l'appellaient le blues. D'autres préféraient à cela le terme de cafard, de chagrin, ou encore de mélancolie. Elizabeth, du h...