Toi, Lucie

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Les rafales du vent de la mer projetaient ma longue chevelure châtain dans tous les sens cachant, pour le bien de tous, mon visage désormais repeint aux larmes séchées. Elles avaient arrêté de couler depuis une dizaine de minutes n'ayant plus d'eau dans mon corps, vidé de toute énergie. Je pourrais à tout moment m'effondrer de fatigue, de désespoir et de tristesse.

Voyant un petit point jaune qui slalomait à l'horizon, je me levai de mon siège confectionné d'un simple rocher et agrippai la poignée de ma valise pour tenter, tant bien que mal, de ne pas m'écrouler à terre. Une pulsion inconnue me forçai à tourner ma tête en direction de mon malheur.

Une petite villa blanchâtre positionnée au milieu de nul part, une splendide vu sur la mer : un lieu de rêve pour passer mes meilleures vacances avant de débuter l'université et qui, pourtant fut mon pire cauchemar.

Alors que je m'apprêtai à arrêter cette torture, tout à coup, la porte fenêtre donnant sur le balcon en face de moi, s'ouvrit dans un fracas qui résonna dans toute la vallée, puis une élégante chevelure blonde toujours coiffée à la perfection fit son apparition.

Toi, Lucie.

À la vue de tes deux iris où je m'étais tant plongée ces dernières semaines, mon coeur se serra à m'en donner des nausées. Pourtant, à la vue des traces noires qui remplissaient ton si beau visage, toute haine que je pouvais ressentir à ton égard alla se noyer au fond des abîmes de mon coeur. Ma seule envie, escalader cette paroi afin de venir te prendre dans mes bras. Ma seule envie, déposer mes lèvres sur les tiennes afin de t'enlever un peu de cette tristesse tant partagée. Ma seule envie, effacer ces trois derniers jours et tout recommencer à zéro.

Une ombre apparut dans ton dos. Je reconnus la chevelure charbon de mon ex meilleur ami venu te prendre dans ses bras, tout en te retournant malgré tes protestations. Il fit en sorte que je ne te regarde plus afin que je ne puisse tomber uniquement dans ses deux perles sombres qui me disaient clairement : « Dégage et ne reviens jamais. »

Toute la haine que j'avais ravalé au plus profond de mon âme, refit surface. Je voyais sa main que tu décrivais de moite et rappeuse, caresser tes si beaux cheveux pour bien me faire comprendre que tu es avec lui et non avec moi. Son autre bras te maintenait de force contre son torse « rassurant », comme tu me l'évoquais souvent afin d'expliquer ta réticence à le quitter.

Afin de me préserver de cette vison, je fermai les yeux et vous tournai le dos. A l'image de mon être, la mer était déchainée. Tel un vieux CD éraillé, ma tête tourna en boucle ces trois mots contraires à ce que me criait mon coeur : « Je te déteste ». Je te détestais de m'avoir embrassée. Je te détestais de m'avoir fait espérer. Je te détestais d'avoir peur. Je te détestais d'avoir été mon premier amour. Je me détestais de tant t'aimer car je ne pourrais jamais oublier cette histoire qui commença un lundi soir.

Après douze heures de trajet, alignant voiture, avion, train, bus, taxi, j'étais enfin arrivée dans ce lieu de villégiature où je comptais passer mes sept semaines de vacances avec Quentin, mon meilleur ami que je voyais  rarement depuis son emménagement en Angleterre. Hormis les heures en appels vidéo, cela faisait d'ailleurs plus d'un an que nous ne nous étions pas parlés. 

Malgré le temps désastreux de cette journée aux allures grisâtres, je ne pouvais contenir mon excitation de découvrir des paysages et rencontrer de nouvelles personnes, ses amis du lycées étant également présent. Après avoir appuyé sur la sonnette et retrouvé son sourire habituel, je lui sautais dans les bras, poussant un petit cri aigu à lui en casser le dos et les oreilles.

Après une bonne minute à savourer nos retrouvailles, Quentin me reposa et me présenta chaleureusement à ses quatre amis qui étaient positionnés juste derrière lui. Alors que je voulus les saluer poliment et combattre ma timidité, mes yeux ont croisé les tiens. Un coup de foudre retentit au sens littéral et plongea la villa dans le noir. Tout le monde se munit rapidement de la lampe de son téléphone, sauf Lise qui, je l'apprendrai assez vite, était ta meilleure amie. Elle était achluophobe et faisait une crise d'angoisse, vite calmée par James, son petit ami depuis plusieurs années. Le dernier compagnon, Ethan, fut assez courageux pour accompagner Quentin à la cave et remettre le courant en route, les plombs se trouvant au sous-sol. Le couple étant monté dans leur chambre afin que Lise se calme plus facilement, je me retrouvai donc seule avec toi.

Toi, LucieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant