Le roi des ombres

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Je l'avais rencontré un soir d'août.
À mis chemin de la boîte et de la petite épicerie de nuit.

Elle devait être seule, juste là, à marcher comme moi. Elle devait être seule, pourtant, elle ne l'était pas.

Tard dans la nuit,  elle traversait elle aussi l'avenue entre l'épicerie et la boîte de nuit.
Elle était belle, sous les lumières resplendissantes des panneaux publicitaires.

Non. C'est elle, qui était resplendissante sous cette lumière. Pas l'inverse.

Elle était libre, elle fredonnait sûrement sa chanson préférée. Alors que ses pas saccadés sur le Tempo de cette dernière, essayait de la ramener chez elle. Cette fille devait rentrer d'une soirée, peut-être qu'elle sortait de la boîte. Où juste d'un bar.

Et même si ma sortie n'était pas prévue pour cela, j'avais envie d'aller la voir. Juste comme ça, car je l'enviait. J'enviait sa liberté, son insouciance. J'enviait tout ce qu'elle dégageait

Pourtant, tard dans la nuit, dans cette ruelle un peu assombrie, quelqu'un d'autre est venu l'accoster.
Et cette liberté lui fut enlevée. La ruelle est devenue plus calme, plus sombre et plus tendue. L'ambiance y était oppressante.

Un homme, qui ne devrait même pas en être un.

Elle était juste au mauvais endroit au mauvais moment. Et lui, il était là, juste par ce qu'elle, était une Femme.

Elle lui avait répondu, elle était forte. Mais elle ne m'avait pas vue, elle pensait être seule. À deux mains bel et bien seule.

Elle devait avoir peur.

En un regard, elle avait compris. Elle n'était plus seule. Ses yeux bleus me disaient tout ce que j'avais à savoir.

Je n'avais pas à la sauver, je n'avais qu'à l'aider.

Je ne savais rien d'elle, et elle, rien de moi. Mais nos yeux, ce soir-là, on raconter bien plus que des mots ne pourraient le faire.

Bien plus que des mots, on partageait ici nos histoires, nos corps et nos âmes.

L'histoire d'un coin de rue, l'histoire d'une inconnue.

Le temps semblait suspendu, j'étais perdu. Encore dans l'ivresse du combat acharné que je faisais contre elle. Les secondes tel des minutes. Je voulais la voir bien plus que ce soir. Elle m'avait souri avant de se mettre à courir. Loin de lui, loin de moi.
Ce soir-là, je me suis battue, pour sa liberté. Pour qu'elle puisse encore danser, chanter et traverser ce putain de quartier entre la boîte et l'épicerie. Pour qu'on puisse peut-être se recroiser.

Mais le temps avait repris son cours, le premier jour s'est transformé en deuxième et, le deuxième en cinquième. Puis deux semaines.

Mais je ne l'oublie pas. Je ne peux pas, à cause de ce soir-là, où tout s'est décidé en un regard. Je lui ai donné ma confiance et elle, elle m'avait donné la sienne.

Le jour comme la nuit, elle me suivait. Le jour comme la nuit, ses yeux me hantaient.

L'espoir restait. Et ça avait fini par porter ses fruits. Juste au moment où j'allais abandonner l'idée de la revoir un jour.

Elle était là, ce soir-là, à descendre les marches du Casino. Dans cette divine robe noire.

Elle avait pris un cocktail et s'était assise afin d'observer les jeux. En particulier les joueurs. J'étais sa cible autant qu'elle était la mienne. Je devais me démarquer. Quelle me vois, qu'elle me reconnaisse. Et qu'elle ne vois que moi.

J'en ai encore parié ma vie ce soir-là. Ça me procurait de l'adrénaline, tout avait plus de sens quand je le faisais. Mais ce qu'ils estiment trop c'est la valeur de la vie. Chaque individu l'estime différemment. La mienne m'importe peu, mais ce soir je ne pouvais pas perdre. Car ça signifiait la perdre avant de la rencontrer. J'avais vraiment l'impression qu'elle pourrait changer quelque chose. M'apporter quelque chose. Ses yeux bleus ne me laisseraient pas perdre cette nuit.
J'en vivrait une de plus.

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