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- "Je te dis que j'en ai rien à foutre !"

Non, ils ne comprennent rien. J'ai beau dire que je n'en ai rien à foutre, ils me répètent la même chose. C'est une boucle interminable, putain. Un mois que j'ai arrêté d'y aller, et ils ne l'ont remarqué que depuis trois jours.
Aucune séance ne m'a aidé. La psy me posait des questions débiles, et c'était répétitif au bout d'un moment, du genre "ça va mieux depuis la dernière fois ?", j'avais qu'à lui répondre, "oui, ça va mieux", parce que je n'avais rien d'autre à lui dire. Elle ne se montrait pas enthousiaste non plus donc pourquoi je devrais fournir le moindre effort ?
Évidemment que je veux guérir, mais bordel... pas comme ça. Je pense que personne comprend. Non. Ils ne comprennent rien, rien, rien, rien, rien, rien.

Rien du tout de ce que ma tête me fait.

C'est interminable, interminable, interminable.

J'ai l'impression de courir, et puis, de pas être capable de m'arrêter. Non, c'est pas que je suis pas capable, c'est que je suis obligé de courir comme un con, dans le même chemin, depuis huit mois.

-"Ven, s'il te plaît, arrête, ça sert à rien. Je ne vais pas t'obliger à y aller si tu ne le veux pas."

Elle me suit pendant que j'accélère mes pas, mais je me sens soulagé d'entendre que j'aurai pas à repartir faire ces cours de silence ridicules.

-"C'est très bien, parce que je n'irai plus là-bas. Laisse-moi quelques minutes et je rentre."
-"Mais tu ne..."
-"ARRÊTE, MAMAN !"

Et elle claque la porte.
J'en ai aussi ma claque de m'asseoir ici quand je me sens mal. Je me sens mal partout, parce qu'il a été partout.
Il est vingt-deux heures et je suis dehors, avachi sur les racines d'un chêne, comme un con, et j'en suis là. À revoir sa tête.

"Va te faire foutre", je dis, et mes larmes reviennent. "Va vraiment te faire foutre, sale connard". Je me retrouve en une demi-seconde en train de frapper l'arbre. Putain. Un arbre. Comme si j'avais besoin qu'il me rende les coups, qu'il me hurle de me réveiller. Ou pire, que lui, sorte du chêne et m'insulte, me dise de reprendre mes esprits et d'aller m'excuser auprès de ma mère, mais non, jamais ça n'arrivera parce que je suis complètement malade et que je suis pas capable de tourner la page, de dire... qu'il... bordel.
Je m'écroule, je chiale, m'embête même plus à essuyer le sang ou les larmes. J'ai trop mal putain, c'est pas comme si j'avais de la force mais je voulais défouler toute cette merde quelque part.
Et je ressemble encore plus à un foutu chien battu quand ce moment aspire tout ce qu'il me restait.

"[...], Ven, il m'a dit qu'il t'aimait. Mais il a pas eu le temps de te le dire. Il est parti. Ven, je t'en supplie, dis quelque chose. Je suis désolée, il est parti... je suis désolée Ven... Ven... j'aurais [...]"

Ven, Ven, Ven, Ven, Ven, Ven.



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