Nous ne sommes que poussières d'étoiles

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J'ai dix-sept ans et je suis fait de poussières d'étoiles. De poussières d'étoiles et de vide. C'est comme ça, nous ne sommes rien, seulement de la poussière venue de tellement loin et qui repartira continuer son long voyage dans l'univers. Aussi riche ou important que nous sommes , on est en réalité aussi insignifiants que de la poussière et cela peut faire peur de découvrir que finalement nous ne sommes rien d'autre que les restes de quelques choses de tellement plus brillant, de tellement plus beau, de tellement plus grand que nous et qui a explosé en plein vol. Mais moi ça ne me fait pas peur, ça me rassure même parce que si nous ne sommes que poussière d'étoiles et vide cela veut dire qu'il doit bien rester de la place en nous pour autre chose non ?

***

Tu es beau. Tu es magnifique même. Tes cheveux blonds au soleil me narguent, tes taches de rousseur me font envie et ton yeux aussi noir et profond qu'un trou noir me défie. Il y a tant de monde autour de toi mais moi je te vois. Je ne vois que toi en fait. Je ne vois que toi et ça me suffit, si je devais mourir maintenant ça ne me ferait rien car j'ai l'impression d'avoir atteint l'objectif de ma vie et en même temps je ne pourrais pas mourir avant de t'avoir parlé, sans avoir entendu le son de ta voix.

Je fais quelques pas vers toi, tu ne me vois pas encore, je m'approche, essaye de passer dans la foule, manque de tomber plusieurs fois mais je finis par être devant toi. Tu me regardes surpris, et attend visiblement que je dise quelque chose. Mais moi je reste là, comme un idiot rouge comme une pivoine, trop gêné pour pouvoir te parler.

- Heu... bonjour ? Finis-tu par dire un peu perdu.

- Je m'appelle Robin, m'exclamai-je soudainement en te tendant la main. Tu me souris et mon cœur chavire. A cet instant-là, je comprends que ce sourire pourra m'apaiser de tout.

- Moi c'est Raphaël.

Je souris, tu souris, on se regarde et je me perds dans tes yeux aussi profond qu'un trou noir, autour de nous le temps s'arrête, la foule se fige, la vie coupe sa course effrénée comme si le monde entier venait de comprendre que ce moment était à capturer pour l'éternité.

J'ai dix-sept ans et je ne suis que poussière d'étoile.

***

- Raphaël attend moi !

Tu cours devant moi en riant sans m'attendre, tu accélères même. Nous rions à gorge déployée dans les rues au pavée gris et terne, nous manquons de tomber au tournant des maisons et nous nous rattrapons au dernier moment avant de continuer notre course folle. Je finis par te rattraper, je t'attrape le bras et nous nous arrêtons en essayant de reprendre notre souffle en riant encore. Nous restons là quelques instants en pleine rue à nous sourire encore essoufflés . Tu es tellement plus beau encore que la première fois que je t'ai vu et quand tu me souris je me surprends à me trouver beau moi aussi. À nous trouver beau.

Je pourrais rester là toute ma vie à te regarder me sourire, nos rires résonnants encore. Tu passes une main sur ma joue et mon sourire s'agrandit, tu repousse une mèche me tombant devant les yeux et mon souffle se coupe, tu te penches, ma voix se bloque, tu m'embrasses et mon cœur s'arrête. Ou explose, au choix.

Et à cet instant là quand nos lèvres entrent en contact pour la première fois, c'est comme si enfin la terre commençait à tourner dans le bon sens, comme si je venais de trouver la réponse à un problème trop compliqué et que la réponse était si simple. Car l'amour est simple, ce sont nous qui sommes si compliqués. Quand nos bouches fusionnent l'une dans l'autre je sais que toutes mes poussières d'étoiles viennent de s'aligner.

Tu es beau, je suis beau, nous sommes magnifiques, là dans cette rue à nous embrasser. Tant que je pourrais t'embrasser la vie aura un sens.

Puis j'entends des murmures, je sens des doigts pointés, des insultes chuchotés comme un cri qui transpercerait la bulle de bonheur autour de nous. Tu fais comme si tu n'entendais pas, tu continues à me sourire mais dans celui-ci je le vois, il y reflète ce que je ressens ; tout un coup on doute : est-ce que tout ça en vaut vraiment la peine ?

J'ai dix-huit ans et je ne comprends pas comment ce qui me fait vibrer de bonheur peut en dégoûter d'autre.

***

On est là, allongé dans l'herbe, chacun dans ses pensées à observer les étoiles. Je ne sais pas si tu l'as déjà remarqué mais quand on ose lever les yeux vers le ciel étoilé notre regard accroche toujours une étoile en premier sans savoir pourquoi. C'est pour nous, l'étoile la plus brillante alors même que autour des centaines et des centaines d'autres éclairent le ciel. Alors on y laisse notre regard et celui-ci ne s'y décroche plus. Et cette étoile, mon Raphaël, c'est toi, peut-importe ce qui se passera après, tu es cette étoile que mon regard accrochera le plus longtemps possible.

­- Raphaël ?

Tu tournes la tête vers moi en me souriant pour me dire que tu m'écoutes.

- Je t'aime.

Ces mots là que je n'ai jamais dit, c'est à toi que je veux les prononcer en premier. Ces deux mots si simples mais si puissant

Tu ne dis rien, tu me sondes de tes yeux profonds et d'un coup j'ai peur : et si j'avais dit une bêtise ? Tu déposes un doux baiser sur mes lèvres et me souris doucement.

- Moi aussi Robin. Moi aussi je t'aime.

J'ai dix-neuf ans et je ne sais rien à part le fait que je t'aime.

***

On marche silencieusement dans la rue, le froid nous pique le nez et nous engourdi les mains et étourdis comme je suis j'ai complètement oublié de prendre des gants. Mais bizarrement je en sens presque pas la morsure du froid de ce mois de février, je ne sens que le froid de ton corps trop loin de moi. Nous nous sommes disputés pour une broutille encore une fois, cette dispute ressemble à celle d'avant-hier et celle d'il y a cinq jours. Ces prises de têtes me fatiguent et me terrorisent : ton amour pour moi aurait-il finit par disparaître ? Plongé dans mes pensées je ne remarque pas tout de suite que tu t'es arrêté pour prendre mes mains dans les tiennes.

- Oh Robin, tu as les mains gelés murmures-tu en me frottant les mains dans l'espoir de les réchauffer.

Je lève les yeux avec un sourire triste et je remarque que tu as le même. Peut-être te poses tu les mêmes questions que moi. Tenant mes mains dans les tiennes tu me sondes du regard cherchant la réponse à ta question silencieuse. Une larme dégringole sur ma joue sans que je ne puisse la retenir.

D'un geste tendre tu sèches ma joue et tu m'embrasses. Je me perds dans ce baiser, je me perds et je me retrouve. J'entends les mêmes murmures que la première fois que nous nous sommes embrassés, les mêmes doigts pointés, les mêmes insultes : rien n'a changé pourtant tout est différent. Dans ce baiser je sens des excuses ; celles que l'on n'a pas encore prononcés, des promesses de celles qui nous faudra tenir et une certitude ; celle qui nous fait rester. Quand on se sépare, je regarde ces gens qui se sont arrêté pour nous juger, je prends ton visage entre mes mains et je t'embrasse à mon tour.

Je t'aime et j'emmerde ceux que ça dérange.

J'ai vingt ans et je viens de défier la physique : je ne suis pas fait seulement de poussières d'étoiles ; je suis fait de toi, de tes yeux aussi profonds et sombres qu'un trou noir, de ton sourire qui pansent toutes mes douleurs, de tes lèvres qui me disent « je t'aime », de tes bras autour de mon corps qui me font sentir chez moi.

Je suis fait de poussières d'étoiles, mais de poussière de l'étoile la plus brillante de mon ciel, celle sur laquelle mon regard est resté accrocher.

Nous ne sommes que poussières d'étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant