• Chapitre 19 •

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Cela faisait vingt minutes que Chris courait dans Séoul. Il avait perdu Jisung, et il avait beau l'appeler en boucle, il n'avait pas de réponse. Jamais il n'avait autant couru. Il n'était pas fatigué, au contraire, l'adrénaline le transformait en surhomme. Il avait l'impression d'avoir cherché dans toutes les rues autour du poste. Mais il faisait nuit, c'était d'autant moins évident que de jour. Il rappela Jisung pour la dixième fois, avant de lui laisser un autre message vocal. Il lui envoyait des messages, il lui demandait de revenir au poste, de lui répondre, de lui dire où il était pour qu'il vienne le chercher. Mais il n'y avait rien. Il ne voyait même pas ses messages. Comme d'un fait exprès, Chris arriva en bas de son immeuble. Il allait prendre sa voiture, c'était plus rapide.

Il entra le plus vite possible dans le garage, avant de choper sa voiture et de repartir aussitôt. Il appelait Jisung, encore et encore, en boucle. Il répétait les mêmes mots dans ses messages vocaux, c'était répétitif mais il avait sérieusement besoin d'une réponse. Il était vraiment inquiet.

Et soudain, alors qu'il passait à côté du pont sur lequel Jisung s'était éclaté les phalanges, il pila. Il était là. Sur le rebord. Debout sur le rebord du pont, qui passait au-dessus de plusieurs lignes de train. Il n'hésita aucunement, avant de sortir de la voiture pour attraper Jisung. Il le fit descendre du pont avant de le plaquer contre la voiture, qui était juste là. Jisung était en larmes, le visage rouge, des cernes de plusieurs centimètres sous les yeux. Il regardait Chris, l'air de lui demander une pitié sans égale.

— T'allais essayer de te tuer ou j'ai juste l'esprit tordu ? demanda Chris,

— J'ai plus personne, Chris...

Pan.

Bang se prit une balle dans le cœur. Il sentit sa poitrine se serrer, les mots de Jisung venaient de lui appeler une douleur puissante au milieu de la cage thoracique.

— C'est pas pour ça que tu dois te tuer, Jisung, dit-il calmement en le tenant fermement contre la voiture, pour ne pas qu'il s'en aille,

— Mais j'ai même plus mon frère, tu comprends ça ? pleura Jisung,

— Mais je suis là, moi, chuchota Chris en cherchant à être le plus honnête possible,

— T'as dit que tu partirais, rétorqua Jisung en brisant leur échange visuel pour regarder autour d'eux, gêné,

— C'était... C'était pour pas te faire de mal, répondit Chris,

— Vous êtes tous pareils. Vous êtes là un moment, et du jour au lendemain, vous disparaissez comme si j'avais tout inventé, dit-il, la voix basse. Vous êtes tous comme mon père...

Pan.

Doublette. Chris se sentait sérieusement atteint par ces mots. C'était vraiment douloureux d'être comparé à ce mec. Pas qu'il détestait Han, mais que ce qu'il avait fait à sa famille était d'une malhonnêteté sans pareil. Il était répugnant, dans ses actions envers ses proches, et être comparé à lui alors qu'il avait donné tout ce qu'il pouvait pour sortir Jisung de la merde...

Ouais, c'était douloureux.

— Tu veux pas qu'on rentre ? proposa Chris. Je veux soigner tes poings, et qu'on puisse manger.

Jisung haussa les épaules. Il s'en foutait. Il voulait disparaître, dans le fond. Mais si Chris était dans ses pattes, c'était mort. Il allait le surveiller comme un enfant. Peut-être que c'était ce dont Jisung avait besoin. Tant pis, il se tuerait quand Chris serait au travail.

×××

Jisung avait des gros bandages sur les poings, s'il devait être honnête, ça lui faisait du bien. Il avait mal, mais c'était plus confortable que d'avoir du sang séché sur les mains. Chris l'avait laissé prendre une douche avant de le soigner, et il avait vraiment apprécié ça aussi. Chris lui avait prêté un énorme pull et un jogging. Il nageait dedans, mais c'était confortable. Il s'était mis sur le canapé, en scrutant le vide devant lui. Il était tard. Chris vint ainsi lui déposer un bol de riz devant lui, sur la table. Il savait que c'était compliqué pour Jisung de manger, voilà pourquoi il n'avait pas fait énormément à manger. Jisung attrapa le bol, avant de manger presque grain par grain, prenant un temps fou à avaler sa nourriture. Chris était à côté de lui, sur le canapé, il le regardait de temps en temps, perdu dans ses pensées et ses profondes réflexions sur la situation actuelle.

— Comment on va faire, maintenant ? demanda Jisung en posant son bol encore plein sur la table,

Il remonta ses genoux contre lui, avant d'y déposer son front.

— On va être obligé d'improviser... souffla Chris. L'affaire va vite être résolue. Dans tous les cas, ils vont sûrement aller visiter leur bunker... Faut juste qu'ils ferment leurs gueules à propos de moi. Même si ça serait encore plus débile pour eux de l'ouvrir.

— Et moi ? demanda Jisung,

— Je continuerai de te protéger, jusqu'à ce que tu sois hors de danger.

— Et une fois que j'y serai, tu t'en iras, c'est ça ? souffla-t-il,

Chris expira un grand coup. Non, au contraire. C'est juste qu'il avait terriblement peur que ce soit Jisung qui s'en aille en premier. Et il avait aussi peur d'à nouveau le blesser. Enfin, blesser était un euphémisme. Il avait l'impression d'avoir brisé Jisung. Et c'était sûrement le cas. S'il n'avait pas essayé de voler de la thune à Jung, rien de tout ça ne serait arrivé. Ils avaient très certainement, avec les rondes qu'avait fait Chris, compris qu'il allait venir les voler, et ils avaient donc fait en conséquence. Mais s'il n'avait pas été si con, la mère de Jisung serait encore là. Il se sentait comme la pire des merdes.

— La plupart du temps, dans mes relations, commença Chris, je disparais en premier pour ne pas souffrir le jour où ça sera l'autre qui disparaîtra.

— T'as pas confiance en moi ou quoi ? râla Jisung en levant la tête vers lui,

— Non, c'est juste que j'ai l'habitude que ça se passe de cette manière.

— C'est pas dans mes habitudes de jeter la première personne qui essaie de m'aimer dans ma vie, rétorqua Jisung en regardant devant lui,

— Désolé.

Le silence prit place. Ils ne savaient pas vraiment quoi se dire. Les événements étaient trop violents d'un coup. C'était envahissant. Et ils avaient tous les deux mal face à tout ça. Et en plus de ça, ils ne savaient même pas qui ils étaient l'un pour l'autre. Pourquoi avaient-ils mutuellement peur que l'autre s'en aille ? Étaient-ce leurs traumatismes qui les faisaient réagir de la sorte ?

— Je vais dormir, je crois, dit Jisung,

— Tu veux que je...

— Tu peux dormir avec moi ? coupa-t-il,

Chris le regarda droit dans les yeux. Ils échangèrent un regard attristé, mais finirent par se lever pour aller se coucher. Ils avaient besoin de repos. De beaucoup de repos. Et d'être protégés, aussi. Et être à deux, c'était déjà mieux que rien. Jisung entra pour la première fois dans la chambre de Chris. Il y avait une gigantesque baie vitrée, comme dans le salon, et un grand lit au milieu. Chris lui indiqua de se poser à droite. Jisung s'exécuta, en s'asseyant timidement sur le matelas. Chris se changea rapidement pour enfiler une tenue plus adéquate pour dormir, et rejoignit Jisung. Ce dernier s'était allongé sous la couette, sur le bord du lit. Chris ne savait pas vraiment ce qu'il était censé faire. Ils avaient commencé à prendre l'habitude d'être... Proches physiquement. Enfin, rien de sérieux, mais quand ils étaient ensemble, ce n'était pas rare qu'ils se rapprochent. Mais, dans cette situation, était-ce une bonne idée de s'approcher de Jisung ? Après tout, Chris ne savait pas comment il allait réagir. Il resterait là, et allait attendre que Jisung bouge lui-même s'il voulait quelque chose.

Et cela ne fut pas très long à venir. Le jeune homme se glissa vers lui, sous la couette. Il s'arrêta à côté de Chris, et il sentit qu'il cherchait une approbation, dans le noir. Le plus vieux chercha à tâtons la main de Jisung pour qu'il s'approche, et il réussit à la trouver sans trop chercher.

— Je peux me mettre là ? demanda Jisung d'une voix presque inaudible,

Il posa une main sur le torse de Chris, proche de son épaule. La réponse fut rapide à arriver, et Jisung put se poser confortablement sur l'épaule de Chris, alors que ce dernier l'entourait d'un bras autour des siennes. L'un comme l'autre n'allait pas réussir à dormir, ils le savaient. C'était trop compliqué. La fatigue pourrait peut-être les rattraper à un moment, mais ça allait être dur. Ils n'avaient plus envie de parler. Ils allaient peut-être se laisser consumer par leurs inquiétudes, mais ça leur était égal. Tout allait s'arranger. Ils l'espéraient.

𝙾𝚕𝚍𝚎𝚛 | 𝙲𝚑𝚊𝚗𝚜𝚞𝚗𝚐Où les histoires vivent. Découvrez maintenant