Prologue

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« Il était une fois... »

Il perçait le ciel.
Il perçait les nuages.
Il perçait même les étoiles.

Ses branches, entremêlées de lianes, se hissaient au sommet de l'Univers.

À tel point que ce dernier s'étendait face à elles, livrant une magnifique vision sur la galaxie toute entière.

Quelques fleurs poussaient ici et là sur son bois, entre les plis de sa prison verdoyante.

Son tronc, lui, était torsadé, et l'écorce décrépit se tâchait de parcelles cendrées.

L'Arbre Sacré, le Juge Suprême.

Il se nourrissait des morts qui de leur vivant avaient été bons. Les autres, il les rejetaient aux champignons alentours.

Il était aussi le pont astral entre l'Avant — dont personne ne se souvenait jamais et que personne ne réussissait à retrouver après avoir été mit au monde — et ce Royaume.

Entre ses entrailles boisées grandissaient les prochains bébés, qu'il abreuvait de sa sève jusqu'à ce que leur heure sonne.

Ce fut ainsi que malgré l'état de l'Arbre Sacré, qui paraissait au plus bas, un bébé avait vu le jour et se trouvait profondément endormi entre ses racines noueuses et terreuses.

La terre était son matelas douillet alors qu'une feuille lui servait de couverture partielle. Elle ne recouvrait que son ventre et une partie de ses jambes.

Une main, aussi grande que la tête du nouveau né, se posa sur ses cheveux blancs. Elle les secoua légèrement, suivit par les yeux noirs de la petite fille. Et quand la paume se releva, le regard du bébé ne la quitta pas, pas avant de croiser ces prunelles et iris complètement blancs. Ainsi que ce visage mordoré dont le sourire vacillait, encadré par une longue chevelure noire corbeau.

Il s'agissait d'une femme. Une fois sa main récupérée, cette dernière se pencha afin de s'emparer du bébé.

Sa voix s'éleva alors, tremblante, inquiète, désemparée.
— Pourquoi... Pourquoi as-tu été touchée par la lumière ? Il ne fallait pas... Rien que de l'effleurer...

Il y eut alors un bruit derrière elle, à peine perceptible. Une inspiration.

Le signe qu'elle n'était pas seule.

La femme se retourna. Et elle tomba nez à nez avec son époux, Son Altesse Royale, le Roi de Vighelana Abogha.

Ce dernier posa ses yeux, tout aussi blancs que ceux de son épouse, sur le bébé que celle-ci portait entre ses bras. Il fronça les sourcils et s'approcha.
— Enilaroc... Tout n'est pas perdu pour elle.

Le Roi posa sa main sur l'épaule de sa femme avant de lui lancer un sourire encourageant. Mais il avait beau se montrer fort face à elle, son épouse savait très bien ce qu'il ressentait intérieurement.

Il était tout aussi apeuré qu'elle.

Cependant, il bravait cette angoisse, peu importe ce que cela lui coûtait, il le faisait, pour elle.

La jeune femme esquissa un mince sourire, qui s'envola aussi vite qu'il était apparu, avant de s'adresser à lui.
— Tu as le droit d'avoir peur, Saram... Moi, j'ai peur... Tu sais ce que ça signifie...

Le prénommé Saram baissa les yeux et les ancra dans ceux de sa fille.

Oui, il savait très bien.

La lumière se constituait entièrement de pureté. Sauf que tous les habitants de cette planète s'y trouvaient exposés à chaque heure du jour ou de la nuit.

La Triade des Âmes : DraclâmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant