En souvenir de ce jour | A.D

U N

« Certaines personnes passent une
vie entière à chercher un sens à
leur existence. D'autres, à contrario,
ont depuis toujours la certitude
que leur chemin ne peut emprunter
une autre voie que celle déjà toute tracée. »

Octobre 2020 - Toulouse.

Sa voie, le jeune Antoine l'avait quand à lui toujours vu clair et net, comme si rien sur cette planète ne pouvait l'en détourner. Il savait depuis sa plus tendre enfance quel lycée il fréquenterait, quel sport il pratiquerait, et surtout, il savait depuis toujours qu'il se donnerait tout les moyens en sa possession pour réussir son rêve, devenir un jour le meilleur joueur de rugby de la planète. Aussi, il avaient toujours pu compter sur les siens, et peu de jeunes pouvaient se vanter d'avoir des parents aussi compréhensifs que le jeune toulousain, il le savait. Il avait une chance folle d'avoir toujours pu compter sur le soutien de ses parents, ainsi que sur celui de ses deux frères, eux aussi fan de rugby et prêt à tout pour se démarquer dans le milieu. Très tôt d'ailleurs, certains n'avait pas hésité à lui faire comprendre qu'il s'engageait dans une voie longue et éreintante, autant physiquement que mentalement, mais même si il avait vite compris que le chemin serait dur et parsemer d'embûche, il le savait, il en était même convaincu, le jeu en valait la chandelle.

Alors, comme chaque matin depuis qu'il avait intégré le pôle d'entraînement du Stade Toulousain, son rêve d'enfance, le jeune homme de vingt trois ans entama une série d'échauffement sur le mythique terrain de sa nouvelle équipe. Le froid de ce début d'automne le fit longuement frissonner alors qu'il s'apprêtait à remettre en route son cardio, lui donnant une raison de plus de détester ses entraînements matinaux, mais il avait tellement rêvé de ce moment qu'il se sentait prêt, mentalement, à affronter n'importe quelle épreuve pour prouver au monde qu'il était enfin à sa place.

« Dupont ! »

L'intéressé se stoppa net dans son élan, bifurquant en trottinant jusqu'à arriver au niveau de son ami Anthony. Il portait une veste à l'effigie du club, mais aucun vêtement ne laissait présager que ce dernier ne comptait s'entraîner.

Les deux amis se serrèrent la main avant que Anthony, surplombant son colocataire d'une bonne quinzaine de centimètres, ne se gratte l'arrière de la tête, visiblement gêné.

« Un problème ? Souffle Antoine.

— J'ai un service à te demander, ça m'embête un peu...

— Sérieusement ? Rit le demi de mêlée. Allez, dis-moi.

— Bon ok, j'aurais besoin que tu demandes à tes parents si le domaine est dispo pour ton anniversaire.

— Pourquoi ? S'étonne Antoine. Je croyais que tu avais déjà tout bouclé ?

— On m'a fait faux bond.

— Je vois. Je vais voir ce que je peux faire. »

Antoine tapa sur l'épaule de son colocataire d'un geste franc et sec avant de repartir sur le terrain pour continuer son entraînement.
Son ami, lui, resta stoïque un moment, observant au loin l'homme qu'était devenu celui avec qui il partageait tout depuis son adolescence. Les deux s'étaient vus grandir mutuellement, ils s'étaient soutenus dans les moments de doute, et même si Anthony savait qu'il n'arriverait jamais au niveau de son ami car il n'arriverait jamais à avoir cette rigueur qu'on lisait dans les yeux d'Antoine, une part de lui était emplit de fierté. Ils avaient enfin touché leur rêve. Ils jouaient sur le terrain de ce club qu'ils avaient admiré pendant tant d'années, et ça n'avait pas de prix.