Blondie & Curly (nouvelle)

Dreams come true

Blondie & Curly

Été 1893

Blondie

J'observe la couverture de mon nouveau livre avec attention. Papa m'a offert un livre de Mary Shelley intitulé « Frankenstein ». Je commence ma lecture sous les arbres de cet été de juin 1893. Le soleil joue avec les nuages et crée des ombres sur le champ. Le vent frais de l'été fait danser les fleurs et le parfum de maman m'enivre à nouveau.

Il doit être 16:00 quand je le vois. Il me salut de loin. Son chapeau de paille tombe dans son dos et laisse apparaître ses jolies boucles brunes. Il a le pantalon remonté jusqu'aux genoux et une chemise blanche large. Je le vois souvent mais je n'ai jamais osé lui parler. Je suis un peu timide depuis que maman est partie. Papa m'incite à aller voir les autres enfants mais je n'en ai pas envie. Je n'ai pas vraiment d'amis.

Le lendemain je retourne dans le champ. J'ai à peine le temps de m'installer que je vois Tom Sawyer courir dans ma direction en me saluant. Je sors de ma lecture et l'observe. Il a le sourire d'un enfant joyeux et curieux sur le visage. Il est pieds nus et ses cheveux frisés flottent dans le vent.

-Qu'est-ce que tu lis ?

Je passe timidement une mèche de mes cheveux blonds derrière mon oreille.

-Frankenstein, dit-il, j'ai adoré ce livre. Tu lis beaucoup ?

Je hoche la tête.

-Oui.

-Et elle parle !

J'étouffe un rire.

-Si tu aimes lire, il y a tellement de livres que je pourrais te prêter...

Il s'arrête un instant.

-Dr Jekyll & Mr Hyde, Dracula... L'île au trésor ! Oh et je connais un livre qui parle de...

Et je l'écoute me raconter ses histoires au rythme du vent. Une amitié douce et enfantine s'installe entre nous. Comme une danse légère et insolente. À l'image de deux meilleurs amis nous nous confions nos rêves et nos cauchemars, nos joies et nos peurs. Avec pour maison la forêt, le lac et ce champ, où il y a encore quelques temps un « bonjour » voulait tout dire.

-On sera toujours amis Blondie ?

-Oui c'est promis Curly !

Et le bonheur aux lèvres, un peu naïvement, on se prend la main comme des enfants.

Curly et moi avons l'habitude nous retrouver dans la forêt. Il aime quand je lui fais la lecture. C'est un garçon bourré de talent pour son jeune âge. Une classe sociale nous sépare, mais ça n'en reste pas moins le garçon le plus intelligent que je connaisse. Il vient d'une famille modeste mais il est très instruit.

Il aime quand le vent se lève. Les arbres dansent et il me raconte ses histoires toutes plus folles les unes que les autres. Je ne lui partage pas les miennes. Pourtant elles sont là dans un carnet, une sorte de journal que je prends tout le temps avec moi. Et quand il dort avec son chapeau de paille sur le visage, j'écris discrètement quelques lignes. Il a toujours respecté ma discrétion. Mais sa curiosité est bien plus forte parfois. Je l'ai surpris à lire quelques lignes en cachette, et il m'a dit qu'il avait adoré. Il aime mes histoires...

-Alice au pays des merveilles... et c'est de Lewis Carroll ! Merci beaucoup Curly !

Je saute dans ses bras et l'embrasse.

-Il fallait bien célébrer ton quatorzième anniversaire comme il se doit... Et puis tu ne me l'as toujours pas lu celui-là !

-Alors tu vois un intérêt personnel à celui de m'offrir des livres ?