Les bocaux de verre

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21-10-23

Ce qui est pratique quand on a des personnes plus en souffrance que nous dans notre entourage, c'est qu'on finit par oublier notre propre mal-être. J'ai toujours eu tendance à fourrer mes sentiments dans un bocal, mettre un gros couvercle, et espérer que le verre ne se brise jamais. Quand tu dois t'occuper de quelqu'un tous les jours, tu n'as pas le temps de t'aider toi même, et quand tu vas vraiment mal, ça t'arrange.

« Encore un peu de temps avant que ce bocal explose, un peu de temps avoir de devoir tout nettoyer » tu te dis.

Quand tu as la possibilité d'enlever toi même le couvercle, c'est que ça n'a pas encore débordé, tout est à sa place. Mais du coup, tu ne sais pas trop quoi en faire, de tout ça. Tu te dis « allez, ressens tout, récupère tes sentiments, trie les, gère les », mais rien ne sort. Tu ne peux pas les récupérer, ils sont à leur place, dans leur bocal.

Tu le sais, que le seul moyen de les ressentir, c'est d'attendre que le verre se brise. Donc tu attends, et tu attends, et les tics de l'horloge te rendent dingue, car tu ne sais pas quel sentiment fera exploser le bocal. Parfois, tu ressens quelque chose,
Mais c'est si profond, hors de portée, et tu ignore. « Pas encore », tu te dis. Ce n'est pas le moment, il y a encore de la place dans le bocal.

J'ai peur qu'il explose, car c'est le plus gros bocal que je n'ai jamais eu, et il pèse lourd. C'est vraiment difficile de bouger avec un si gros poids dans la poitrine, mais j'ai peur que le débordement soit trop douloureux pour que le soulagement qui vient ensuite puisse valoir le coup.

Et je sais que quand ce bocal là explosera, un autre prendra sa place. Je le sais, car j'ai une étagère remplie de bocaux vides, qui n'attendent qu'à être utilisé.
Mais j'en ai marre des bocaux,
et j'en ai marre des étagères,
et j'en ai marre de vider ceux des autres,
et j'en ai marre de me couper avec les morceaux de verre.

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