Audace attendait devant l'auberge ; la lune progressait alors dans le ciel.
Il avait négocié avec Grand Berger et, miraculeusement, le vieillard avait cédé face au jeune homme. Ce dernier lui avait autorisé l'accès à ses pâtures et à sa réserve de foin jusqu'à son retour. En échange, l'homme devait garder ses bêtes et bien les traiter.
Thaos l'avait doucement mis en garde contre sa fougue, tentant de le rappeler à son rôle mais alors qu'ils parlaient, un ivrogne vint taper sur l'épaule d'Audace en le félicitant pour les Sans Nom abbatus. Le jeune homme fixa alors son verre, tendu sous la poigne insistante de l'homme. Le Village savait, ça en devenait suffocant. Et Grand Berger garderait les bêtes. Tout irait bien. Thaos laissa échapper un regard compatissant puis acquiesça, vaincu. Tout irait bien.
Le jeune homme souffla profondément, agacé de devoir attendre dans le froid. Gris baya à côté de lui; le garçon avait décidé d'emmener la bête. Il était pressé de partir pour oublier. Oublier les morts.
Il frotta vigoureusement ses mains l'une contre l'autre et s'adossa à la façade de la taverne. Devait-il leur dire au revoir, à l'auberge? Il scruta le bout de la rue sinueuse, plongée dans le noir. A ce moment, Sélène sortit et lança un dernier salut à l'assemblée. Tandis que la porte se refermait derrière elle, une bribe de vie et d'odeurs familières parvinrent à Audace. Il ne put réprimer une moue inquiète à l'idée de ne pas avoir prévenu son ami Thaos et sa Chaudière, quand bien même il ne l'aimait plus. Faisant mine de ne pas s'en rendre compte, la jeune musicienne se tourna vers son nouveau compagnon, le menton haut, inflexible.
- Partons. lança-t-elle, déterminée.
Sa vue glissa sur le chien mais si elle fut dérangée par sa présence, elle n'en dit rien. Audace se plaça derrière elle. Gris le suivait de près.
Ils cheminaient rapidement sur le sentier usé de la Vallée. Une légère neige tombait en fins paquets de flocons, s'enfonçant dans les boucles de Sélène pour fondre au contact de la chaleur de son corps. Quand le jeune homme lui avait demandé la raison d'un départ de nuit, elle avait ri, le regard très lointain. "C'est une tradition" avait-elle alors répondu. Puis une vague de silence s'était étendue entre eux.
Le paysage évoluait alors que le Soleil poussait la Lune de l'autre côté du monde. A présent, ils discernaient clairement le ruisseau d'eau, encore gelé, qui, aussi silencieux qu'un serpent argenté endormi, se répandait à leur gauche. À leur droite, une falaise aux angles acérés les élevait au-dessus de la Vallée; les maisons de la ville avaient disparu, brouillées par la neige et effacées par la distance qu'ils avaient mise entre eux et l'auberge.
Bientôt, ils ne purent plus la distinguer.
Sélène avait alors sortit deux petits pains aux raisins qu'Audace accompagnait d'un peu de miel durcit. Ils avaient allumé un feu et étalé une peau sur le sol caillouteux pour se réchauffer.
- Là où nous allons, il devrait faire plus chaud. dit alors Sélène distraitement.
Elle s'était liée d'amitié avec le chien, qui avait posé sa tête sur sa cuisse pour qu'elle le caresse.
- Mais d'où viens-tu? le questionna alors le garçon.
La femme le regarda, songeuse, puis répondit sur un ton enjoué.
- D'un pays où il ne neige pas. Il me semble du moins que ce fut le cas. Je suis partie quand j'étais jeune, je devais avoir sept ans, tout au plus. Mais toi: tu es né dans ces régions, n'est-ce pas? N'as-tu jamais voyagé? elle le regarda un moment puis reprit; Tu n'es pas encore bien poilu: je dirais que tu as dix-sept ou dix-huit hivers. déclara-t-elle.
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Le Fou Rouge
Fantasy[VERSION FRANCAISE][EN COURS] Sous la neige et entre les vents, le Loup tue des hommes. Audace, jeune berger des terres du Nord, s'aventurera sur la piste du grand prédateur. A ses cotés marcheront amants et amantes, amis et rivaux, famille et étra...