Au grès des courants

42 8 52
                                    

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.


Mon souffle était court, les branches égratignaient ma peau, les ronces déchiraient le tissus de mes vêtements, toutes les parcelles de mon corps me brûlaient, ma vision se brouillait à intervalle régulier, les images des dernières heures s'embrouillaient dans mon esprit. Mais je courais, je n'avais pas le choix. 

S'arrêter signifiait mourir.

S'arrêter signifiait la laisser gagner.

S'arrêter signifiait abandonner.

- Elle est là dépêchez vous !

- Si vous voulez me rattraper manger moins gras...

Je le savais, mon heure allait venir, mais pas maintenant. Je ne le tolérais pas, jamais. Je me glissai derrière un buisson et rampai dans le tunnel qu'il dissimulait. Alors que le bruit des sabots des chevaux de, ce qui fut, la garde de mon père s'éloignait, je me glissai de plus en plus sous la terre froide et humide.

Je rentrai de plus en plus dans les entrailles de la mère de tout.

*   *   *

Après ce qui me parut des heures, peut-être était-ce le cas, je remontai enfin vers la surface. Je fus accueillie par l'odeur du fleuve et le chant de l'eau. Un sourire nostalgique s'étala sur mes lèvres blessées. Je me dirigeai vers la vieille barque de pêcheur, celle que père et moi utilisions pour nos escapades loin des obligations du château. J'y jetai le sac qui contenait les maigres affaires que j'avais réussi à subtiliser avant de fuir, accusée de la pire ignominie. 

Aurais-je du pleurer ou rire de l'ironie de la situation ? J'étais bien incapable de le dire. Je m'étais transformée en l'une de ses princesses de roman. Je n'étais bien mieux lotie que ces écervelées.

- C'est parti pour un nouveau départ Cordélia... Une nouvelle vie... au grès des courants...

J'essuyai la larme traitresse qui coulait sur ma joue meurtrie, je n'avais pas le temps de pleurer. Je devais vivre, pour sa mémoire, pour empêcher cette vil femme de tout corrompre encore une fois. Les mains tremblante, je détachai la corde de chanvre qui reliait l'embarcation à la berge. Il n'y avait aucun retour possible, plus depuis que père c'était effondré. Je sautai et laissai le courant m'emporter.

Mon âme se déchirait de plus en plus, à chaque centimètre, emportant mon esprit d'enfant.

- Adieu Amyrae, adieu... papa... Je vous aime...

*   *  *

Ma main caressait le liquide cristallin, cela faisait déjà depuis trois longues et horribles semaines que, pour épargner ma vie, pour épargner sa mémoire, j'avais renoncé à toute mon existence, trois longues semaines que je revoyais dans mes cauchemars mon père boire à cette coupe de vin empoisonnée...

Au grès des courantsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant