1 | MAUDITE

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        𝕸es mains ont été salies par la terre qui recouvre méticuleusement le trou dans le sol. L'herbe chatouille mon pantalon de travail. Un vieux tissu brodé de sorte qu'il soit épais.

Agenouillée à même cette herbe, je regarde mon œuvre satisfaite. La Jacinthe des bois reflète son plus bel éclat violet dans la pénombre. Tout semble menacé par le soleil couchant. Les pétales ravissants de la Jacinthe fondent parfaitement dans le décor, parmi mes autres divines fleurs. Mon majestueux jardin couvre quelques hectares. Il protège différentes espèces de plantes menacées.

Mes parents ont fait le souhait d'être des chasseurs de plantes. Les plus rares en leur possession volaient dans l'éclat de leur richesse. Depuis les tréfonds de la terre, c'est ainsi que le manoir de la famille Xanthé s'est bâtie. Il a fallu une race de plantes toute particulière pour nous dissuader de la pauvreté. Une fois celle-ci vendue, nous avons bénéficié d'un confort de vie austère. Celui où j'étais incapable de discerner les couleurs.

Mes parents ont fait le souhait d'être chasseurs de plantes. J'ai fait celui de les recueillir et de les laisser pousser dans leur ancien jardin. Désormais en ma possession depuis leur funeste décès.

J'apprivoise les plus dangereuses créatures printanières pour les laisser reposer ici. 

N'est-ce pas une belle chose de faite ? De ne jamais rétablir la mémoire de vos géniteurs ? Cependant, mon métier a été reconnu par des régisseurs.

Ma dernière trouvaille vient d'écoper d'une place à côté des sclarées des prés. De même teintes, ces jeunes pousses trouveront équitablement une douce vie. Mes vertueuses feuilles dansantes au gré du vent parsèment ma vie morose de couleur. Un petit paradis qui accompagne mon enfer. Mes bottes foulent le passage dessiné proprement dans la pelouse à taille adéquate. Le grand Oak balance ses jeunes feuilles dans la tempête. Sur mon trajet, je le remercierai presque d'écarter ses branches pour me laisser rejoindre l'autre bout à grands pas calculés. 

En observant le petit chemin, j'examine chaque millimètre de cailloux qui le borde. Mes bottes s'arrêtent net, je frotte de la pointe de mon pied le petit caillou couvert d'une goutte rouge. Comme l'effet escompté n'est pas, je décide de le prendre avec moi. La pierre en main, soigneusement de sorte à ne pas m'en couvrir les mains grâce à mes gants de travail.

Avant de quitter cet humble jardin parsemé de haie solitaire aux formes originales. Je décide de l'admirer une dernière fois, comme chaque soir depuis bien des saisons. Les roses grimpent autour des pierres. Celles du pont au milieu de l'étang, ou même celles qui habillent les arches des quelques portes autour du labyrinthe. Jusqu'à celles qui closent la demeure. Sur la hauteur d'une arche, la grande porte qui donne sur le centre, se dessine deux ombres noires. 

Oizys et Lupin terminent leurs courses. Assommés par le brouillard, ils se précipitent vers moi. Le corbeau vole au-dessus de Lupin, il effectue de fabuleuses figures. Tournant autour du chat assagi par le temps. Je dresse mon bras, Oizys vient s'y déposer sans difficultés. Lupin préfère me saluer de loin. Comme toujours, le félin lèche sa patte droite en faisant scintiller ses pupilles vertes dans ma direction. Il repose ensuite sur le bord de l'arche sans nous quitter des yeux.

Je reprends ma route, passant en dessous d'arche. J'y pousse la grille, Lupin se retourne pour me regarder la verrouiller derrière moi. Nous observons, au centre, coulant dans le gravier, se dresser la grande fontaine. Je me débarrasse de l'intrus, le caillou que j'avais ramassé coule vers le fond. Je ne perds pas de temps à regarder ce spectacle dramatique. La maison m'attend.

Les portes se ferment derrière moi, je soigne mon arrivée en ôtant mes chaussures couvertes de saleté. L'immense demeure est plongée dans une ambiance étrange, à son habitude. Lupin attend sagement contre la première marche de l'escalier en bois. Oizys s'est certainement posé sur les gargouilles dehors. Je me décide à rejoindre Lupin, escaladant les marches habillées d'un tapis usé. Ma main caresse la rampe, et mes yeux inaugurent le spectacle.

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 08, 2023 ⏰

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