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La main de l'homme était calleuse, durcie par des années de travail dans les champs, et elle était si grande qu'elle engloutissait complètement la main du petit garçon de 7 ans. Sa poigne était ferme. Pas dur ou méchante, mais cela l'empêchait d'essayer de s'enfuir ou de se détourner du destin qui semblait l'attendre.

Le garçon se souvient encore de la voix d'une femme criant derrière eux, et comment il s'était retourné par curiosité pour voir à qui elle parlait.

« Père, père ! Père, s'il te plaît, pas mon fils, rends-moi mon fils ! S'il te plaît! Père!"

Il se souvient de la façon dont la main de l'homme s'est serrée de manière presque inconfortable, soit par colère, soit par une autre émotion que le petit garçon était trop jeune pour comprendre.

L'homme s'est penché et a attrapé un morceau de neige dure qu'il a jeté avec colère sur la femme. Le bruit qu'elle a fait en tombant dans la neige ressemblait à celui d'un cerf qui se fait tirer dans les côtes par une flèche. Pourtant, le garçon n'essayait pas d'échapper à l'emprise de l'homme pour courir aux côtés de sa mère. Peut-être avait-il déjà compris que c'était inutile. Peut-être qu'il s'en fichait même. De toute façon, il n'eut pas beaucoup de temps pour réfléchir, car les portes s'ouvrirent soudainement et le vieil homme dut reculer rapidement et traîner le garçon avec lui afin qu'aucun d'eux ne se fasse écraser par l'une des portes massives.

Celui qui a ouvert la porte se trouvait être un prêtre apparemment de bas ranc, l'un de ceux qui labouraient les champs et priaient la plupart du temps. Il regarda le vieil homme et le garçon avec une expression ennuyée, et demanda à l'homme ce qu'ils faisaient là.

L'homme souleva le garçon par les aisselles comme on montre un chiot à son nouveau maître et dit :

« Je viens déposer le gamin. C'est un fils bâtard qu'Arabaki-sama a eu avec ma fille, et je ne peux plus m'occuper de lui. Personne ne veut de mon enfant à cause de lui, et je ne peux pas les nourrirent éternellement. Que le père s'occupe de lui, j'ai fait ma part.»

Le prêtre lança un regard terne à l'homme et au gamin, puis il laissa échapper un soupir fatigué et hocha la tête. (Tout le monde savait que cela allait se reproduire un jour, il est bien connu que Lord Arabaki-sama ne se soucie pas particulièrement d'avoir un héritier légitime avec une déesse, et un soit disant "enfant demi-dieu" arrive de temps en temps. Des imposteurs pour la plupart, mais bon. Le temple a toujours besoin de main d'oeuvre, donc ils sont toujours utiles.) Il a sorti le garçon des bras de son grand-père, et ferma les portes. Le vieil homme part sans se retourner.

Le prêtre a mis le garçon au sol et lui a dit de le suivre. Il se retourne et commençe à marcher à travers les grands vergers qui s'étendent à perte de vue derrière le domaine du Dieu. Étrangement, les arbres semblaient encore produire des fruits malgré le froid hivernal qui régnait sur le Japon en plein hiver.

Le garçon se dit que l'homme marchait très vite, et qu'il devait presque courir pour ne pas le perdre. (Ou bien il était tout simplement trop petit pour suivre les grandes enjambées de l'homme. Il faut dire qu'il n'avait que 7 ans, il était sûr qu'un jour il serait aussi grand que lui ! Il sera même encore plus grand !!)

Après avoir marché un moment, le prêtre s'arrêta finalement devant un très grand bâtiment qui semblait être fait de bois massif coloré en rouge. L'homme se pencha devant le garçon et tenta de dépoussiérer son kimono marron, devenu gris terne à cause de la poussière et de la neige (encore aujourd'hui, le garçon se demande parfois s'il l'a fait pour le rendre un peu moins misérable ou juste pour que son colis aussi présentable que possible), puis il se redressa et frappa à la porte, une fois. Il entra quelques secondes plus tard sans attendre de signal, ou alors le garçon ne l'entendit pas. La pièce dans laquelle ils entrèrent était immense et semblait principalement composée de tapis et de tapisseries moelleux, de coussins, de grandes bibliothèques et de quelques placards. Il y avait un grand foyer au fond de la pièce, dans lequel un feu crépitant rayonnait de chaleur dans la salle. Le prêtre s'inclina profondément, et le garçon l'imita maladroitement en remarquant la femme qui était agenouillée sur un oreiller moelleux positionner devant une table basse, soufflant doucement sur un verre de thé fumant. Toujours en s'inclinant, le prêtre parla. "Dame Koyo-sama."

La femme en question soupira, apparemment résignée à être dérangée dans sa dégustation de thé, et posa doucement son verre sur la table. Elle leva les yeux vers le prêtre et le garçon. "Puis-je savoir ce que me vaut cette interruption ?" Le garçon a décidé qu'il aimait la voix de la dame. Elle était douce et veloutée comme un pétale de fleur de cerisier, et pourtant ses mots résonnaient haut et fort dans la pièce comme un ordre inconscient. Le prêtre sembla d'accord avec cette dernière partie, car il lui répondit immédiatement.

"Un vieux laboureur a amené ce garçon et a dit qu'il est un fils bâtard que Lord Arabaki-sama a donné à sa fille. Il dit qu'il ne veut plus avoir affaire à lui et le laisse aux soins du Temple."

La femme haussa les sourcils et recentra son attention sur le garçon. Elle trouvait assez amusant la façon dont il essayait de garder son dos plié à un angle droit presque parfait comme le prêtre, ses jambes tremblant un peu à cause de l'effort. Les cheveux ébouriffés du garçon semblaient danser comme le feu dans l'âtre derrière elle, et ressemblaient étrangement aux siens, quoique plus clairs et oranges. Ses yeux s'écarquillèrent légèrement lorsqu'elle reconnut la couleur de cheveux presque exacte que le Dieu de la Destruction abordait lorsqu'il était sous sa forme humaine.

Elle se força à se calmer et demanda au garçon de se redresser. Il fit exactement cela, et son regard rencontra immédiatement celui de Koyo, qui sentit son souffle se couper dans les yeux du petit garçon. Celui de droite était d'un brun chaud qu'elle ne reconnaissait pas, mais celui de gauche, à peine caché par une frange ardente, était d'un bleu océan reconnaissable entre mille. C'était la même teinte que les yeux du Premier Fils, Verlaine, la même couleur qu'Arabaki affichait lorsqu'il portait sa forme humaine.

Et en voyant le regard d'acceptation vide dans les yeux du garçon, elle se sentit étrangement perturbée, comme si elle était témoin de quelque chose qui ne devrait pas être.

Pour mettre fin à ce sentiment de malaise, elle se tourna vers le garçon et lui demanda :

"Eh bien, quel âge as-tu mon garçon?"

Le petit lui lança un regard dubitatif, puis ouvrit la bouche pour répondre.

"7 ans."

7 ans... On y ajoute 9 mois pour le temps passé dans le ventre de sa mère, et ça faisait plus ou moins 8 ans... Oui, ça correspond effectivement à la dernière sortie du Dieu. Koyo laissa échapper un soupir.

"Très bien. Et quel pourrait être votre nom ?"

La question parut surprendre le garçon, qui fronça les sourcils avec un regard confus.

"...Garçon? Peut-être ?... Je ne sais pas."

Koyo cligna des yeux de confusion. Et bien. On dirait que ce petit a un long chemin à parcourir.

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Fils illégitime de DieuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant