Grandrocher - L'Arbre de l'Imaginaire

Chapitre 1

Un fin manteau neigeux avait recouvert le sol. Des bourrasques violentes pliaient les frêles branches des sapins. On aurait presque pu se perdre dans ce blizzard s'il n'y avait pas eu les traces de pas des habitants de Grandrocher dans la poudreuse.

Mélusine Poilgris avançait dans la tourmente essayant tant bien que mal de tenir son châle et son parapluie qui pouvaient s'envoler à tout moment. La jeune louve regrettait d'avoir quitté sa chaumière pour aller déjeuner à la Taverne. Après maints efforts, elle réussit à rentrer dans le petit restaurant.

Il y régnait une ambiance festive. Des guirlandes de houx décoraient la salle et une douce odeur de brioche bien chaude flottait dans l'air. Mélusine alla s'asseoir au bar.

" - Lulu ! Ça faisait un moment qu'on ne t'avait pas vu ! S'exclama Georges Petitecorne, le chamois qui gérait l'endroit.

- Avec la tempête, je n'ai pas osé sortir de chez moi. Répondit-elle.

- C'est vrai que cette maudite tempête ne donnait pas envie de sortir. Rit Hélène Petitecorne. D'ailleurs, tu as fini ton discours pour le lancement de la Cueillette ?"

Mélusine se figea. Elle avait complétement oublié, mais c'était volontaire car premièrement parler en public la terrorisait et deuxièmement qu'allait-elle bien pouvoir dire ? La louve déglutit. Pourquoi avait-il fallu que Monsieur Queuerousse la choisisse ?

"- Je sèche complètement. Rien ne me vient à l'esprit. Marmonna-t-elle en s'affalant sur le bar"

Chaque année, lorsque les premières neiges arrivaient à Grandrocher, la Fête des Perce-Neiges était organisée. Le premier jour avait lieu la Cueillette des Perce-Neiges, qui allaient servir à décorer les maisons et les rues pour la veillée du lendemain soir. Il était de coutume qu'un membre du village fasse un discours pour lancer les festivités et cette année, c'était Mélusine qui avait été désignée.

" - Tu n'as qu'à aller voir Bertille. C'est elle qui avait fait le discours l'année dernière, elle pourrait te conseiller. Suggéra Hélène en lui tapotant gentiment le crâne.

- Hm, pourquoi pas."

Bertille Queuerousse était la fille du maire et on la connaissait dans toute la contrée pour son excentricité et sa passion pour les vieilles légendes. Mais son monologue de l'an passé avait conquis tout le monde. Il faut dire que chez les Queuerousse, l'éloquence était héréditaire.

"- Elle est à la table 2, au fond à droite. Lui chuchota Georges alors qu'il partait servir une table."

Mélusine réfléchit. Elle ne perdait rien à discuter avec la renarde. D'un pas las, la bibliothécaire se leva et se rendit à la table indiquer par le chamois. Assise près d'une fenêtre, Bertille regardait le paysage immaculé.

Avec son poil de feu et ses yeux d'ambre, elle avait brisé beaucoup de cœur. La louve s'assit près d'elle et se racla la gorge pour se faire annoncer.

" - Mélusine ! Déclara la fille du maire. Qu'est ce qui t'amène à mes côtés, jeune demoiselle ?

- Et bien...Bégaya-t-elle. J'ai besoin d'aide pour ma prise de parole, le jour de la Cueillette. Je ne sais pas quoi dire.

- Oh, une panne d'inspiration, ma jolie ? J'ai ce qu'il te faut."

Tout sourire, Bertille montra à Mélusine, un vieux parchemin.

" - Qu'est-ce que c'est ? Demanda la bibliothécaire, intriguée.

- Cette carte mène à l'Arbre de l'Imaginaire. On dit que toute personne s'endormant sur sa souche aura soudain une imagination fulgurante ! Expliqua la renarde.

- Mais c'est une légende.

- Pas cette fois-ci, ma chère ! J'y suis allé et j'ai vu cet Arbre de mes propres yeux. Je l'ai vu comme je te vois, ma jolie !"

Mélusine observa son interlocutrice, un air sceptique sur le museau. Elle doutait. Bertille avait-elle raison cette fois-ci ? Disait-elle la vérité ? Devait-elle la croire ? Des tas de questions se bousculaient dans la tête de la louve. Elle voulait croire la renarde mais ses expériences passées lui criaient de se méfier.

"- Prépares tes valises, ma jolie demoiselle ! On prend le premier train à l'aube. Direction la Péninsule Nord ! Chantonna la rouquine en repliant son vieux bout de papier.

- D'accord. Dit simplement Mélusine"

Bertille fit une bise à la bibliothécaire avant de s'en aller dans le blizzard du dehors, qui c'était d'ailleurs apaisé.