Acte II - Scène 1

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« Aucune technique n'est prohibée. »

Un tapage violent me sortit d'un lourd sommeil sans rêve d'un demi siècle. Mon corps tout entier me sembla si léger que je me redressai dans un mouvement bien plus vif que je ne l'avais anticipé. J'émergeai doucement pour balayer d'un regard la pièce dans laquelle je me trouvais : une sombre chambre miteuse mais incroyablement stable. L'absence de remous et de la moindre odeur marine me laissa rapidement comprendre que nous n'étions plus sur le navire, mais bel et bien sur la terre ferme. Mes souvenirs de notre traversée maritime s'étaient estompés. Le dernier qui m'était encore palpable était celui où je m'étais éveillé aux cotés de Zed. 

J'eus tout juste le temps d'entreprendre de me me lever qu'une silhouette apparut brusquement face à moi. Je hoquetai de surprise.

« Hé ben ! Pas trop tôt ! »


Kayn se tenait face à moi, les mains posées sur ses hanches dénudées. Ses grands yeux d'ambre me fixaient, aussi durs que sa force de caractère : tenace et impulsif, à l'image de son Maître.

« Où sommes-nous ? demandai-je.

— Dans une auberge... T'as bien dormis ? Une semaine que tu dors quasiment non stop... pour quelques larmes des ombres, tu détiens le record...

— J'ai dormis... ? Où est Zed ?

— Hé ! Je suis pas là pour répondre à tes questions... t'as un seau, là... (il désigna un demi-tonneau rempli d'eau claire sur la droite de mon lit). Lave toi et enfile ces vêtements... (il désigna la chaise sur le dossier de laquelle reposait quelques pièces de tissus). Après, on discutera... »


La porte claqua derrière lui lorsqu'il quitta prestement la pièce. Qu'est-ce qui n'allait pas chez lui ? Ses taquineries n'avaient rien d'inhabituel, mais j'avais perçu son agitation lorsque j'avais évoqué Zed. Je n'avais peut-être pas les idées aussi claires que je le pensais, mais je comptais bien obtenir des réponses, alors je m'avisais d'obéir.

Je descendis du lit avec une agilité et une facilité déconcertante pour une personne sortant d'un coma de plusieurs jours. Je me déshabillai et pris une éponge que je plongeai dans le seau. Quelle satisfaction de nettoyer toute cette boue et ce sang si longtemps collés à ma peau. L'eau était tout juste tiède, pourtant, je ne résistai pas à l'envie de m'immerger toute entière. Ce n'était pas tous les jours qu'on avait l'occasion de se baigner dans une eau si limpide. Il y avait même un savon au parfum doux et fleuris. Sans rire, un tel luxe sensoriel dans ce taudis, peut-être que j'étais encore au beau milieu d'un doux rêve. 

Rapidement, j'attrapai une serviette douce et propre, elle-aussi posée sur la chaise, et je sortis du baquet pour me sécher. Je me sentis gratifiée par ce traitement de faveur, laissant échapper un soupire de contentement qui se perdit dans un cri de surprise quand je croisai l'inconnue dans le miroir. Mon reflet m'appartenait-il encore ? Mes cheveux étaient aussi noirs qu'un ciel nocturne sans lune, ils avaient gardé leur épaisseur mais ils étaient si courts, coupés bien au-dessus de mes épaules. Coupés par Zed en personne. Ses aptitudes au combat n'étaient pas à prouver, en revanche son sens du style était contestable. Mon regard descendit sur mes bras et j'écartai ma serviette pour observer mon corps : j'étais — pour ainsi dire — multicolore. Des bleus noirs, jaunes de toutes nuances me recouvraient de la tête au pieds. Je les touchai doucement, constatant que ma perception de la douleur s'était nettement atténuée.

Je caressai ma prothèse, j'appréciai la douceur de son acier poli et songeai à la promesse que je m'étais faite une fois libérée de ce bracelet maudit. Mon reflet me lança un regard hésitant et je lui chuchotai : 

Ode au Chaos [ Zed & Jhin • League of Legends fanfiction ] (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant