« Il n'y a pas de résolution sans dissonance »
« Je ne comprends plus rien, Maître Zed, maugréai-je. Maître Kusho a l'intention de libérer Jhin. Un groupe de guerriers s'apprête à quitter le col sud au lever du jour. »
Zed demeurait impassible dans mon dos.
« Le pire, frissonnai-je, c'est qu'il m'a demandé de me joindre à eux... Il a au moins le mérite de ne pas me traiter comme la brebis galeuse, lui... (le long silence de Zed me pesa) Essaye-t-il essaye de me tester ? ... Je suis perdue... que dois-je faire ? »
Je soufflai.
« Ah, mais évidemment, grinçai-je. Évidemment, tu n'as rien à dire toi... »
Je me retournai vivement vers lui.
« Parce que tu n'es pas là ! »
Un vif revers de main fit fondre les ombres du leurre de Zed dans la pénombre du dortoir. Je reculai d'un pas et me laissai tomber sur le rebord de mon lit. Je fermai les yeux, les couvris de mes paumes glaciales dans l'espoir de voir jaillir une illumination. Mais à l'inverse, mon esprit agité tordait mon corps. La discorde qui me fragmentait de l'intérieur me fit basculer d'un côté. Puis de l'autre. Quelle torture ! Plus que jamais, je me consumai dans les flammes de deux passions opposées dont la coexistence s'apprêtait à m'exploser au visage.
Je rouvris les yeux sur mes deux bras, les détaillai successivement. À droite, flamboyaient de lueurs dorées les élégantes gravures à fleur de cuivre. À gauche, les ténèbres pigmentaient mon épiderme d'une allégeance aveugle.
« Maître Zed... couinai-je. J'ai besoin de toi... plus que jamais. J'ai besoin que tu me rattrapes... mais tu m'as déjà... lâchée. »
Le désarroi troubla ma vision. Déchirée entre l'envie irrépressible de hurler ma peine et celle de l'étouffer, je m'allongeai dans le lit, me recroquevillai, me retournai encore et encore.
Encore et encore. Mon cœur succombait à la poigne ardente qui l'enserrait. J'osais — et je me maudissais plus que jamais pour cela, — j'osais penser à déshonorer ma promesse, à me rendre coupable de l'irréparable. Je me retournai sous la pression, mon corps n'était pas apte à endurer une telle charge d'émotions contradictoires en une seule fois.
Merde ! Pourquoi Maître Kusho a bien plus d'estime pour moi que toi, Zed ?!
Dans un élan de colère, j'agrippai mon oreiller pour l'envoyer valdinguer à l'autre bout de la pièce. Dans sa course, il emporta et brisa au sol une fiole de verre. Je me redressai. Enferrée dans le déni de l'absence de mes camarades, je m'attendais à ce qu'on me fasse remarquer ma maladresse. Mais le silence qui baigna l'espace se fit l'écho d'un vide absolu : j'étais seule.
Seule, certes. Mais l'espace d'un instant, un murmure runique pulsa à travers l'espace. Je me levai d'un bond et ouvris un petit meuble pour en extirper mon précieux sac à dos en cuir. J'en tirai le masque de Jhin. Du bout des doigts, je caressai lentement ses reliefs et redessinai ses contours contrasté. Je m'égarai sur les ombres de son sourire d'albâtre et son oeil ambré me captura depuis la fente gauche de son regard. Je vibrai à chaque inspiration. Je m'abandonnai à cette sensation plaisante, incapable de résister aux liens tissés dans ma chair, eux qui démêlaient si bien le fil de mes pensées. Si agréable.
Limpide, le désir tant refoulé d'une fin parfaite ruissela sur mon âme. Libérer Jhin m'accorderait son pardon, l'ultime chance d'admirer la pureté de son art façonner mon propre corps dans l'apothéose qui scellerait mon sort. J'inspirai profondément. Je vibrai plus fort encore.
Cette fin a toujours été une évidence, non ?
L'ivresse me tira un sourire. Je rangeai le masque dans le sac et le refermai consciencieusement.
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Ode au Chaos [ Zed & Jhin • League of Legends fanfiction ] (Terminée)
FanfictionLa danse des âmes défigurées dans un voile macabre, le crescendo de la chaire liquide sur la toile de votre esprit, autant de châtiments qui vous feraient envier une flèche de l'Agneau ou une morsure du Loup. Dévalez le versant de vos hantises, livr...