Ignis

Caleb

S'il avait su que son passé reviendrait le hanter des années plus tard, tel un monstre surgit des ténèbres les plus sombres de son esprit, prêt à bondir et à lui arracher ses secrets enfouis dans ses entrailles, à tout faire sortir, aspergeant tout le monde qui l'entoure de ces choses dont il avait honte.

Était-ce le bruit dans sa tête qui était aussi fort ? Ou étaient-ce les cris d'agonie des nombreux hommes devant lui, gisant sur la boue sanglante ?

Il voulait fuir, il voulait les sauver parce que c'était cela, son rôle. Et en même temps il voulait leur épargner cette souffrance, leur jeter un sort pour arrêter leur cœur, voire les égorger et en finir. Il détestait la dernière option, il détestait se salir les mains, et pourtant... N'était-ce pas ce qu'il avait fait jusqu'à présent ? Se salir les mains de sang innocent ?

Caleb lui avait prévenu, il lui avait supplier. Il s'était mis à genoux, lui et sa fierté, pour convaincre cet homme qu'il était venu à aimer comme un frère. Il avait essayé de faire disparaître cette haine qui l'animait, cette soif que rien ne pouvait étancher, excepté le sang de ses ennemis.

La nuit sombre s'illuminait parfois de reflets rouges et orangés tandis que des dragonniers ordonnaient à leurs dragons de brûler leurs ennemis. La lumière qui se reflétait sur l'armure des soldats devant lui était la seule chose qui lui permettait d'avancer parmi toute la fumée.

« Par ici, monsieur ! »

Un des soldats, un jeune homme qu'il avait vu grandir au palais, lui indiqua la tente de fortune en face formée de peaux d'animaux diverses devant eux.

Caleb remarqua que du sang coulait le long de son bras, et qu'il lui manquait également une partie de ses doigts.

« Il faut que je soigne ça, dit-il en s'apprêtant à invoquer un sort.

_ Un autre mage me soignera, monsieur. Le roi tient à vous voir, immédiatement, répondit le jeune homme à bout de souffle.

_ Qu'on lui prodigue des soins, tout de suite, ordonna Caleb à l'autre soldat. »

Il commit l'erreur de prendre une profonde inspiration, ce qui l'étouffa aussi tôt.

« Foutue fumée... Foutue guerre, marmonna-t-il en écartant la peau couvrant l'entrée. »

C'était un assez petit espace pour un roi. Une vraie tente fabriquée à partir de rien et qui, selon lui, ne servait à rien d'utile. Une tâche blanche en plein milieu d'un actuel champ de bataille.

« Mon roi, vous m'avez convoqué. »

Rowan, le roi, se tenait au milieu de la pièce, penché sur la table en bois qui lui servait à élaborer ses stratégies farfelues. Son armure était détachée par endroits, immaculée de sang ici et là, et ses cheveux bruns-roux étaient collés à ses tempes à cause de la sueur qui coulait sur son front.

« Tu pars à Suna tout de suite.

_ Je ne peux pas quitter le champ de bataille ! Il y a trop de soldats à soigner, et les autres mages sont tous jeunes et...

_ L'accouchement de Kôri a débuté, et cela s'annonce plus compliqué que prévu. Je ne perdrais pas un autre fils, j'ai besoin que mon meilleur mage, la personne en qui j'ai le plus confiance, soit là-bas, répondit Rowan en posant son regard sombre sur lui.

_ Rowan... Suna est trop loin d'ici à cheval, je n'y serai jamais à temps. Les mages au palais peuvent l'aider.

_ Suna n'est pas si loin que cela à dos de dragon, rétorqua Rowan en déposant son regard derrière Caleb cette fois. »