Je range tous mes petits papiers étalés sur la table basse, repasse en revue toutes mes idées... refais 50 fois dans ma tête mon argumentaire ! Je suis prête ! Je dois les convaincre ! Je suis tellement impatiente, et tellement persuadée que cette expérience nous aidera pour nos vies "d'après", parce que oui, on ne peut pas le nier, quand on traverse des épreuves comme celles-là, il y a la vie « d'avant » et la vie « d'après ».
Je m'auto-motive au maximum : je dois être convaincante comme jamais !
L'heure de nos retrouvailles approche, tout est en ordre, la maison est rangée, les courses faites et les enfants ne terminent qu'à 17h, j'ai le temps qu'il me faut devant moi. Je tourne en rond, je piétine d'impatience et en même temps je redoute d'y être, je redoute leur réaction, comment vont-elles prendre mes annonces ? Me suivront telles dans cette aventure un peu folle ?
Il est trop tard pour reculer, trop tard pour peaufiner certains points c'est maintenant ou jamais !
Je prends mes clés de voiture, embrasse mon chien sur la tête, lui demande de me souhaiter bonne chance...et je claque la porte de la maison !Le trajet qui ne dure pourtant qu'une dizaine de minutes me paraît interminable, j'arrive enfin au bout de l'allée qui mène à la maison de Mag, et là, panique générale, les gyrophares de mon cerveau surchauffé clignotent de partout.
Je décide de rester garée à quelques centaines de mètres le temps de reprendre mes esprits. Je ne veux pas arriver la première, j'aimerais même être la dernière. Je ne veux rien lâcher de mon plan avant que tout l'oratoire soit présent.
Je me rappelle des différentes séances de sophrologie et de respiration en pleine conscience que j'ai pu apprendre et je les mets de suite en pratique ! Je finis par me calmer un peu et je décide de sortir mon meilleur ami, mon smartphone de la poche de mon sac à main. Je navigue quelques minutes sur les réseaux sociaux pour me changer les idées, les applications défilent sans que je ne men rende compte.
Oh mon dieu, 20 min se sont déjà écoulées, qu'est-ce qu'il est fort ce téléphone pour te faire complètement oublier qui tu es, où tu es et surtout l'heure qu'il est ! Pfff il va falloir que je lui trouve un nom à lui aussi, il fait partie de mon top 3 de mes inséparables complices, juste derrière Marcel le ventilateur qui calme mes grosses bouffées de chaleur et Roger mon aspirateur robot qui me mets toujours de bonne humeur quand je rentre à la maison et qu'il a nettoyé les sols pendant mon absence !
Bon, allez Pat, courage, on n'en est plus aux rêvasseries il faut y aller !
Je redémarre et me gare sur le parking de chez Mag. Le temps est superbe en ce début juin. C'est certainement un des signes qui m'a fait me décider à finaliser mon plan à cette période. L'été sera la période idéale pour le mettre à exécution. Je sonne chez Mag. Elle ouvre la porte rapidement :
- Alors Pat, on croyait que tu n'allais plus venir !
- Désolée Mag, comme d'habitude si je te raconte pourquoi je suis en retard tu vas être morte de rire !
Valou qui se tient dans le salon en face de l'entrée, un petit sourire aux lèvres, prend directement la parole :
- Laisse-moi deviner Pat, tu avais perdu tes clés de voiture que tu avais rangées dans ton frigo ?
Je lève les yeux au ciel :
- Non essaye encore
- Tu as réussi à te perdre en route alors que ça fait 50 fois que tu viens ?
- Ce n'est pas gentil Valou de se moquer de toutes les femmes qui n'ont absolument aucun sens de l'orientation !
Nous rions de bon coeur toutes les 4 et mon regard s'attarde sur Mel debout de l'autre côté du salon. Je croise son joli regard agrémenté par ses magnifiques yeux bleus qu'elle marie parfaitement avec ses tenues à la fois chics et en même temps décontractées. C'est sûr, elle arrive directement du boulot ce midi ! Sa dernière opération de reconstruction mammaire a eu lieu il y a un mois et demi, même si on est toutes des Warriors et que l'on affronte nos blessures avec beaucoup de courage et de philosophie je dois bien avouer qu'il y a toujours un contre coup après chaque étape importante du protocole. Je prends donc des nouvelles de Mel, sa convalescence et la reprise de son travail.
- La reprise est fatigante, m'explique-t-elle, mais je vais bientôt avoir plusieurs semaines de récupération au moment de mon changement d'agence bancaire. Je pense que, comme vous, j'ai besoin de changements, de nouveaux projets et de rencontrer de nouvelles personnes.
Elle a tellement raison. Toutes, nous avons traversé cette période de doute, ce besoin de renouveau, car c'est notre certitude, il y a une belle vie qui nous attend après le cancer!
Nous sommes toutes les quatre un peu différentes depuis nos maladies. On a toutes essayé à un moment ou un autre de reprendre notre vie davant, exactement là où on lavait laissée au moment du diagnostic. Mais on a vite réalisé que ce nétait pas possible. Ce nest pas possible, parce quon est plus tout à fait les mêmes, nous navons plus les mêmes besoins, les mêmes envies et les mêmes limites quauparavant. Oh on est capable de faire encore beaucoup de choses, mais on veut juste les faire différemment.
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Les Paillettes
HumorNous sommes quatre. Quatre amies rencontrées au carrefour d'une difficile expérience de vie. Quatre amies liées par le hasard des rencontres, qui vont s'aider et se soutenir mutuellement : nous sommes les Paillettes !