« Personne n'échappe à son ombre. »
Telles deux lunes de sang embrasant le ciel nocturne, le regard de Zed me pénétrait. Son sourire en coin me fit perdre tout contrôle. Son torse nu épousa ma poitrine. Mon cœur pulsa.
Ô Zed...
Je frissonnai d'un brûlant désir. Ses lèvres baisèrent ma nuque. Et soudain, ses crocs embrochèrent ma gorge. La douleur, vive et incisive, m'arracha une plainte. Mon corps se souleva par réflexe, prêt à riposter mais impuissant face au poids du corps qui me maintenait plus fermement qu'un bloc de granit. Mon sang pulsa dans ma gorge, dans mes tempes. Cédant à un excès de panique profond, je me relevai d'un bond :
« NON ! »
Haletante, allongée dans le lit, je tentai d'apaiser la frénésie qui animait mon cœur. Un cauchemar. Ce n'était qu'un cauchemar. J'effleurai ma gorge endolorie, ravalant un gémissement. Mon souffle saccadé traversa le silence de la petite chambre d'auberge.
La jolie bourse emplie de pièces d'or que j'avais trouvé dans le sac de Jhin m'avait permis de dormir en sécurité trois nuits d'affilée. Quelle aubaine ! Je frissonnai à l'idée de m'endormir dans l'obscurité de la nature sauvage, en proie à n'importe quel cinglé sanguinaire qui croiserait ma présence. Fort heureusement, nul besoin de m'y résoudre. Malgré tout, mes nuits étaient agitées de rêves plus atroces les uns que les autres, mélange sournois d'angoisses et de culpabilité. Captive de mes peurs les plus profondes, je m'éveillais toujours au milieu des ces songes délirants plusieurs heures avant l'aurore, le lit devenait fatalement le siège de ma torture et l'inquiétude qui serpentait dans mes tripes me poussait à déserter sommeil et lieux.
Cette fois encore, impossible de me résoudre à refermer l'œil. Je quittai les couvertures matelassées pour rallumer une petite bougie sur la commode. Lorsque je croisai mon reflet dans un petit miroir rond suspendu au mur par un énorme clou rouillé, mon regard tomba inévitablement sur cette immonde balafre. J'en esquissai encore une fois les contours. Rouge, enflée, boursouflée. Chaque croc avait laissé un trou si profond que la cicatrisation peinait à se faire.
Après m'être brièvement lavée en trempant mes mains dans un petit seau d'eau, je me rhabillai. Il me tardait de retrouver ma véritable chambre. Je passai ma main dans ma tignasse en guise de brossage et endossai mon sac pour quitter les lieux discrètement.
Je me remis en selle, m'engageant au pas le long d'une forêt silencieuse, encore endormie emmitouflée dans sa couverture nocturne. Un peu plus d'une journée de marche me séparait de mon but et j'avançais, le cœur lourd, les entrailles cruellement enserrées de regrets.
A chaque instant.
A chaque instant. Le désespoir et l'amertume ondulaient dans mes tripes.
A chaque instant. Je purgeais ma peine intérieurement, un châtiment à la hauteur de ma trahison. Je le méritais. Je tentais de me ressaisir, par moments. Mais jamais mes sombres pensées ne me lâchaient. Elles s'agrippaient à moi comme le lichen au rocher.
A chaque instant je me condamnai à l'errance dans d'insondables ténèbres.
Il était diablement compliqué de ne pas ruminer dans cette solitude qui m'enveloppait, quand ma seule compagnie se trouvait être un équidé presque parfaitement silencieux. Mais c'était un ami loyal, — et pour ainsi dire le seul — aussi je prenais grand soin de lui. Je l'avais surnommé Daigo. Ce nom s'était imposé de lui même parce que je ne voulais pas me contenter de l'appeler « le canasson ».
« Bon, c'est par où maintenant ? Y'a vraiment aucun panneau ici ! grognai-je. »
Je m'étais arrêtée. Daigo en profita aussitôt pour brouter. Loyal, il l'était, mais il prenait souvent un malin plaisir à me bousculer et me manquer de respect. J'étais certainement moins rude que son précédent — et défunt — propriétaire et il en tirait parti. Rien d'alarmant après tout. Ce qui l'était un peu plus, c'est que je m'attachais inévitablement à lui. Je m'attachais toujours trop vite.
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Ode au Chaos [ Zed & Jhin • League of Legends fanfiction ] (Terminée)
FanfictionLa danse des âmes défigurées dans un voile macabre, le crescendo de la chaire liquide sur la toile de votre esprit, autant de châtiments qui vous feraient envier une flèche de l'Agneau ou une morsure du Loup. Dévalez le versant de vos hantises, livr...