« Le droit chemin n'est qu'un mensonge. »
Les bougies éclairaient encore la chambre obscure lorsque je sortis de mon sommeil, doucement secouée par une main sur mon épaule. Le souvenir de la veille — comment l'oublier ? — fit pulser mon cœur, et je me réveillai troublée. Le gout des lèvres de Zed, le contact de son corps contre le mien. Un frisson de gêne m'envahit. Grisant pourtant. Dans ma détresse, j'avais osé profiter de la situation pour tenter une approche audacieuse et il l'avait saisie si vite. C'était inattendu. Mon ventre vibra.
Penchée sur moi, la rousse me fixait. Un rapide coup d'œil dans la pièce m'avisa que tout le monde avait quitté la chambre. Pas de traitement de faveur, avait dit Zed, alors pourquoi étais-je encore au lit ?
« On va bientôt partir, déclara la rousse d'une voix trop mielleuse pour ce que je savais d'elle. »
Je me redressais pour m'asseoir sur le rebord du lit quand une sacoche en tissu mauve dégringola devant mes yeux, retenu par un petit cordon doré que la rousse soutenait au-dessus de ma tête.
« Cadeau, dit-elle.
— Quoi ? m'étonnai-je. »
J'hésitai un instant, méfiante. Cette femme était la seule que j'avais évité jusqu'à présent. Ma honte était encore vive : elle était la seule à avoir été témoin de ma pire faiblesse. La seule à m'avoir jugé sans ménagement, comme si son regard avait transcendé mon âme pour y abattre sa cruelle sentence. Et voilà qu'elle m'offrait un présent ? J'en conclus — avec prudence — qu'elle désirait enterrer la hache de guerre. Après tout, nous étions dans le même camp.
Je saisis le petit sac. La fibre du tissu était particulièrement douce et brillante. Je l'analysai de plus près, aplatissant légèrement les plis pour découvrir un N doré délicatement brodé en son centre.
« Un cadeau de retrouvailles, dit-elle. Pour tous ces anniversaires que j'ai manqué. »
Mon cœur s'arrêta. Qu'avait-elle dit ? Mon regard l'interrogea et sa réponse fut un sourire chaleureux. Elle se posa en tailleur sur le lit d'en face.
« Je n'ai pas trouvé de pâtisseries, mais ce cadeau te sera plus utile.
— De pâtisseries ?
— Ce que tu adores par-dessus tout... »
Mon cœur rata un battement. Mon étonnement inocula ma voix :
« Comment sais-tu ça ?
— Je sais beaucoup plus de choses que tu l'imagines.
— T'es un genre de Maître-espion ?
— Non, rit-elle. Je suis au front la majeur partie de mon temps, loin dans l'ouest. Et parfois plus loin encore. Mais il y a quelques temps, j'ai reçu un courrier de Zed. Il me demandait de le rejoindre à Jyome au plus tôt. Il prétendait qu'il avait capturé une jeune femme qui me ressemblait, qui avait la même histoire que moi et qui répondait au nom d'Hirose. »
La même histoire ? Un éclair illumina mon esprit. Fulgurant. Je l'analysai, redessinai chaque trait de sa morphologie : son visage, ses cheveux carmin, ses yeux verts. Mon souffle se suspendit. Le décor vacilla.
« C'est impossible... haletai-je.
— Non... ça ne l'est pas. Je suis désolée Hirose, je pensais que tu avais péri... comme les autres (elle agrippa le bout de sa queue de cheval). Moi aussi j'ai refusé d'y croire, mais quand je t'ai vue...
— Chisa... »
Ma sœur était en vie. Et elle se tenait face à moi. Je ne l'avais même pas reconnue, j'avais même encore peine à y croire, comme si elle ressuscitait des bribes de souvenirs depuis longtemps enterrés. Son visage, comme les autres, s'était effacé de ma mémoire au fil des des années, fragmenté, effiloché dans la chair et le sang, liquéfié. Je plongeai mon visage dans mes mains pour y laisser exploser mon chagrin. Le cœur à vif, les yeux brûlants. J'étais submergée à n'en plus savoir quelle émotion se déversait dans mes larmes.
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Ode au Chaos [ Zed & Jhin • League of Legends fanfiction ] (Terminée)
FanfictionLa danse des âmes défigurées dans un voile macabre, le crescendo de la chaire liquide sur la toile de votre esprit, autant de châtiments qui vous feraient envier une flèche de l'Agneau ou une morsure du Loup. Dévalez le versant de vos hantises, livr...