𝗖𝗵𝗮𝗽𝗶𝘁𝗿𝗲 𝟭𝟬.

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Université- Sicile


Je me réveille en sursaut, une main ferme secouant mon épaule. Sophia, assise à côté de moi, me lance un regard à la fois amusé et inquiet.

— Aela, réveille-toi. On doit faire l'exercice. Le professeur a dit de regarder les nerfs d'un muscle.

Je cligne des yeux, encore embrumée par le sommeil. Le bruit ambiant de la classe commence à percer le voile de ma fatigue, et je me redresse sur ma chaise en jetant un coup d'œil autour de moi. Des modèles anatomiques sont disposés sur les tables, et je comprends vite qu'on est en plein cours de dissection.

Sophia me pousse doucement un manuel sous le nez.

— Tu veux bien m'aider à localiser les nerfs du bras ? T'as l'air de connaître ça mieux que moi.

Je hoche la tête, mais mon esprit est ailleurs. Les images de la nuit précédente envahissent mon esprit, et, malgré moi, je revois Thony, gémissant au fond du coffre de l'Audi, avant que je ne l'emmène à l'entrepôt de Fernando. Ce dernier avait été silencieux durant tout le trajet, comme s'il comprenait qu'un nouveau chapitre venait de s'ouvrir dans cette guerre sous-terraine.

— Aela ? Tu m'écoutes ? demande Sophia, fronçant les sourcils.

Je secoue la tête, chassant mes pensées, et je tente de me concentrer sur le muscle exposé devant nous. Mes mains, pourtant si précises d'habitude, tremblent légèrement. Je déteste ça. Sophia ne semble pas le remarquer, heureusement. Elle continue de tracer du doigt la ligne du bras du modèle anatomique, suivant la courbe d'un nerf.

— Ici, murmure-t-elle.
- C'est là, non ?

Je fixe le manuel, mais au lieu de voir des diagrammes, je revois Thony, juste avant que je ne l'enferme à l'entrepôt. Son visage marqué par la peur, mais aussi par une lueur de défi.

« Fais attention à qui sont tes alliés.»

Ces mots résonnent encore dans ma tête, comme une malédiction qu'il aurait lancée avant de disparaître. Pourquoi les avait-il prononcés ? Que savait-il que j'ignorais encore ? J'ai beau réfléchir, je n'arrive pas à déchiffrer le sous-entendu. Fernando ? Non, ça ne pouvait pas être lui. Je lui faisais confiance... ou du moins, je pensais le faire. Mais dans ce jeu, les masques tombent souvent, et rarement au bon moment.

— Hé, terre à Aela ! T'as l'air complètement ailleurs, murmure Sophia en me lançant un petit coup de coude.

Je cligne à nouveau des yeux et tente de me ressaisir.

— Désolée, je suis fatiguée, répondis-je en évitant son regard.

— Ouais, j'ai remarqué. T'as dormi combien d'heures cette nuit ? Trois ? Quatre ?

Elle essaie de plaisanter, mais je n'ai pas la tête à ça. Je prends une grande respiration et fais de mon mieux pour l'aider à identifier les nerfs, tout en luttant contre les souvenirs de la veille qui continuent de m'assaillir.

Thony, étendu sur le sol de cet entrepôt humide, attaché, incapable de se défendre. Il aurait pu crier, supplier, mais non. Il m'a simplement regardée, avec ce même regard qui me hante depuis. Il ne m'avait pas implorée, non. À la place, il avait prononcé ces mots, me faisant douter de tout.

Fernando avait été discret. Trop, peut-être. Avait-il déjà prévu quelque chose derrière mon dos ? Ou était-ce Thony qui cherchait à me manipuler, à semer la discorde dans mon esprit ? Je ne pouvais pas me permettre de me laisser distraire, pas maintenant. Mais ces paroles... elles ne me quittaient plus.

— Bon, on a fini, annonce Sophia en refermant son manuel, satisfaite du travail accompli.

Je n'ai pas la force de répondre. Mon esprit est ailleurs, perdu dans une toile de mensonges et de doutes qui ne cesse de s'épaissir.

— Aela, sérieusement, t'es bizarre aujourd'hui. Qu'est-ce qui se passe ?

Je tourne la tête vers elle, essayant de feindre un sourire.

— Rien, juste... une mauvaise nuit. C'est tout.

Mais même en le disant, je sais que ce n'est pas seulement la fatigue. C'est autre chose. Cette partie de moi qui ne veut pas lâcher prise, qui continue de s'interroger sur les alliances que j'ai tissées, sur les ennemis invisibles qui peuvent surgir à tout moment.

Sophia me fixe un moment, puis finit par hocher la tête, apparemment convaincue par mon excuse.

— Ok, mais si t'as besoin de parler, je suis là, d'accord ? dit-elle en souriant doucement.

Je la remercie d'un signe de tête, bien consciente que ce n'est pas une discussion que je peux avoir avec elle. Pas maintenant, pas jamais.

Alors que le cours se termine, je prends mes affaires en silence, essayant de garder un semblant de normalité, mais les mots de Thony résonnent toujours en moi.

« Derrière le mouton ce cache le loup.»

Jeux de pouvoir- tome 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant