Glaçon

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Tout avait commencé avec ce petit glaçon, trouvé sur le pas de sa porte.

Perplexe, Axel l'avait ramassé, observé sous toutes les coutures, comme s'il pouvait contenir un précieux message. Puis il l'avait senti, tâté du bout du doigt, avant de regarder partout autour de lui pour en trouver la provenance. Rien sur la moquette sombre de son palier. Rien non plus au plafond immaculé, bien qu'un peu usé. Il en avait déduit qu'il s'agissait d'un hasard, même s'il lui semblait bien étrange qu'on puisse faire tomber un glaçon.

Une fois chez lui, il l'avait déposé dans l'évier de sa cuisine, et l'avait regardé fondre pensivement, tâchant d'élaborer toute une liste de possibilités. Avait-t-on fait tomber un bac à glaçons sur le palier ? Enveloppé quelque chose dans de la glace, et le petit effronté s'était échappé ? Quelqu'un avait-il voulu lui jouer un tour, lui faire travailler les méninges, en déposant le petit cube sur son paillasson ?

Tout cela était évidemment d'une logique implacable. Il trouva ses théories tellement passionnantes qu'il les oublia dès qu'il eut fini d'observer la fonte des glaces, version microscopique, sur l'inox de l'évier, et il retourna vaquer à ses occupations.

*

Après avoir trouvé le second bout de glace, le lendemain, Axel en déduisit qu'il s'agissait forcément d'une blague. Une blague de mauvais goût, d'ailleurs, puisqu'il avait trouvé le petit glaçon dans son entrée, cette fois, l'écrasant du bout de sa vieille botte en rentrant du travail.

Une inspection minutieuse des lieux du crime ne lui avait pas apporté plus d'informations que la veille. Il n'avait noté aucune trace d'effraction, aucune perte notable dans son appartement. Quel humour douteux pouvait pousser quelqu'un à déposer un petit débris d'iceberg sur son parquet ?

Ce n'est qu'après quelques allers-retours au salon qu'il remarqua l'intruse : une minuscule stalactite, cachée au-dessus de sa porte. De surprise, il en amena une chaise du salon, pour s'y affaler et pouvoir surveiller l'évolution de l'indésirable. Pas d'échappatoire possible sous son regard courroucé !

Sa confusion ne faisait que grandir : il faisait froid, certes ! Mais de là à faire apparaître un petit doigt de glace accusateur au milieu de son plafond ? Impossible.

Pris d'une soudaine inspiration, il attrapa le bloc-notes qui trônait au milieu du bazar ambiant, et après avoir trouvé un stylo en état de fonctionnement, il griffonna quelques mots. Il ressortit de chez lui pour monter les quelques marches qui menaient au dernier étage de son immeuble, et glissa le mot sous la porte de sa voisine du dessus, avant de retourner se réfugier chez lui. Au passage, il cassa la stalactite du bout des doigts, et prit un malin plaisir à la faire fondre sous l'eau chaude du lavabo de sa salle de bains.

*

Axel trouva la petite lettre au papier humide glissée sous sa porte en se réveillant le samedi matin.

En chemin pour la cuisine, à la recherche de son Saint Graal matinal - à savoir : une tasse de café bien noir - il avait glissé dessus dans l'entrée, avant de la ramasser.

Il dût la relire quelques fois, et s'assurer qu'il était bien réveillé. Les mots ne semblaient avoir ni queue ni tête :

« Pardonnez-moi pour la gêne occasionnée ! Je dirai à mon cœur de se tenir à carreaux. Prévenez-moi si cela recommence. Amicalement, Votre voisine »

Qu'est-ce que son cœur venait faire dans des histoires de glaçons ?

« Peut-être une petite mamie qui a perdu la boule... », se dit-il en déposant l'enveloppe dans le panier rempli de bazar, juché sur la commode de l'entrée.

GlaçonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant