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« Malgré la fin du monde, la vie continua. Nous fûmes une poignée à survivre. L'hiver s'apaisa après quelques années et, un matin silencieux, nous aperçûmes un bout de ciel.

Nous avions oublié le bleu et ce à quoi il ressemblait.

Ce fut le début d'une nouvelle ère. »


Mémoires, Zephyr E.S, janvier 2107.


*

Namjoon


La sonnerie tonitruante te réveille en sursaut et te surprend dans une position inconfortable. Le corps affalé, la nuque coincée, le livre tombé sur ta poitrine. L'objet dégage une odeur de siècles passés, de papier, de poussière et d'émotions qui ne demandent qu'à être saisies au détour d'une ligne.

Les sons te parviennent, habituels et empreints d'une urgence nouvelle. Les portes des couloirs se déverrouillent et tu te relèves en catastrophe. Ta nuque te lance, ton dos aussi, tes gestes sont maladroits, mais tu t'empresses de chercher la brique flottante cachée sous ton lit pour y glisser l'objet précieux.

Tu as à peine le temps de refermer la cachette que déjà les zoipas sont là, ouvrent la porte et gueulent pour réveiller les arymas parqué·x·s dans les dortoirs. Tu te tiens droit·e, les mains derrière le dos face à l'inspection matinale.

Lo zoipa du jour à des cernes marqués, l'uniforme mal mis et observe la pièce avec lassitude.

— Fais ton lit et dépêche-toi.

Tu hoches la tête, te plies aux directives puis enfiles tes chaussures de sécurité, la veste de ton uniforme et sors de ta chambre. Tu rejoins à pas pressés la file indienne. La procession est silencieuse, aucune parole n'est tolérée et les zoipas veillent au grain.

Toustes ne sont pas aussi las·ses que ceus qui a inspecté ta chambre.

Tu tentes de faire craquer ta nuque et la douleur dans tes cervicales te tire une grimace. Le processus est le même chaque jour, toute ta section se réveille à la même heure, déjeune en même temps. Les arymas aux horaires décalés ne sont pas parqué·x·s au même endroit.

Dans le quartier de granit comme on l'appelle ici, il y a une cinquantaine de bâtiments comme le tien, réunis à la bordure de la cité de Diamant. De l'autre côté des champs cultivés, des vergers, il y a la nature et le monde ravagé qui peine à se cicatriser depuis la Grande Fin.

Une immensité que peu sont à même de fréquenter. Seul·x·s certain·x·s beytis sont amené·x·s à explorer les territoires.

Toi, tu adorerais ça. Explorer.

Partir à l'aventure, te renseigner sur la faune et la flore qui émergent. Mais entre toi et la nature, se trouve la clôture. La muraille, la limite, les chaînes de ta condition et de cette cité qui te rattache ici. La cité de Diamant est l'une des cinq cités rescapées, îlot de survie après la Grande Fin, qui a permis à l'humanité de se préserver, de survivre, voilà deux cent ans.

Le bruit d'une matraque électrifiée et d'un cri de douleur te sort de tes pensées. Um zoipa a repris quelqu'um qui n'était pas dans le rang et tu te redresses pour garder la position.

Bientôt tu récupères un plateau dans lequel um beytis sans grade dépose avec une grosse louche ta portion de la matinée. Les mêmes grumeaux sans goût accompagnés d'un trognon de pain et un verre d'eau.

Les Particules [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant