☼ Souvenir 5 ☽

236 24 29
                                    

Devant le parvis de cette église plus imposante que dans son souvenir Sarah se sent soudain nerveuse. Jusque là, elle y a échappé mais maintenant qu'elle est arrivée, le stress la submerge. Même la présence de son père à son côté n'a pas l'effet rassurant qu'il a toujours eu depuis son enfance. Son bouquet a intérêt d'être solide car elle le serre de toutes ses forces s'y accrochant comme un naufragé s'accrocherait à une bouée de sauvetage en plein milieu de l'Océan.

Elle n'a aucune raison de paniquer comme ça, elle le sait. George se trouve à l'intérieur, dans son plus beau costume, et tous leurs proches sont présents également. C'est le plus beau de sa vie qui l'attend derrière ses portes, celui qu'elle attend depuis des mois - voire des années si elle est honnête avec elle-même - car aujourd'hui elle va épouser George, l'amour sa vie. Pourtant elle ne contrôle pas son corps et ce stress qui s'insinue sournoisement en elle.

« Tu sais que si tu veux faire demi-tour ma chérie, je t'emmènerais où tu veux. »

Comme ramenée brusquement à la réalité, Sarah se tourne vers son père qui se trouve particulièrement drôle et fier de sa bêtise qui a eu le mérite de sortir de sa torpeur sa chère fille clairement perdue dans son stress. Un sentiment qu'il comprend, il a été à sa place - en quelque sorte - il y a de nombreuses années. Il sait que même si on est certain d'épouser la personne que l'on aime, cela reste particulièrement un moment déstabilisant.

« Cela dit, je ne vois aucune objection à ce mariage qui mériterait de nous enfuir. George a tout du gendre idéal et il est fou amoureux de toi. »

Le petit coup de coude complice de son père suffit à la faire sourire et balayer ses angoisses. Rassurée, au moins pour les cinq prochaines minutes, Sarah profite de cet élan de courage et de positivité pour se lancer avant de faire attendre George toute la journée. Le pauvre, à force c'est lui qui va paniquer.

Consciencieusement elle remet donc en place sa robe puis passe un bras autour de celui de son père. Une grande inspiration plus tard, elle lui fait signe qu'elle est prête et ensemble ils se dirigent vers l'entrée de cette église.

Au premier abord, l'allée lui semble infiniment longue et elle se demande comment elle va bien pouvoir arriver au bout sans trébucher. Quelle idée de mettre des talons aussi. Pour ne rien aider les regards se tournent tous vers elle, évidement, c'est l'entrée de la mariée après tout, personne ne veut rater ce moment. On ne se rend pas compte de la pression que cela peut mettre sur la malheureuse qui lutte déjà contre une robe souvent peu pratique, des talons inconfortables et la nécessité d'être parfaite.

Pourtant, tout cela disparait en un instant lorsque Sarah croise enfin le regard de celui qui l'attend au bout de l'allée et à qui elle s'apprête à unir sa vie. Son coeur lui appartient déjà, néanmoins elle a la sensation de retomber amoureuse de lui comme la première fois où leurs regards se sont croisés. George est éblouissant dans son costume il faut dire, et si son coeur ne manquait pas déjà de sortir sa poitrine et que c'était possible assurément son rythme cardiaque s'accélèrerait encore.

Noyée dans le regard azur de celui qu'elle aime, Sarah oublie tout. Un sourire presque douloureux étire maintenant ses lèvres alors qu'elle remonte l'allée désormais impatiente.

Impatiente de le retrouver.
Impatiente de se tenir près de lui.
Impatiente de tenir ses mains.
Impatiente de l'embraser.
Impatiente d'être sienne pour l'éternité,
et même après.

Les mains tremblantes elle arrive enfin au bout de son périple, attendre que son père donne symboliquement sa main à George lui demande ensuite un effort surhumain. Sarah n'a jamais été patiente, ce n'est pas nouveau. Heureusement son père le sait également et il se contente d'un « je te la confie » accompagné d'un regard entendu avant d'enfin laisser les deux amoureux pour un court tête à tête avant le début de la cérémonie.

Leurs mains sont jointes.
Leurs regards ne se quittent pas.
Leurs sourires se répondent.
Leurs coeurs battent à l'unissons.

Perdus dans leur bulle d'amour, ils suivent le début de la cérémonie tels des automates. Le prêtre doit même répéter une seconde fois que le moment de l'échange des voeux est venu ce qui provoque un petit rire dans l'assemblée. Une petite scène à leur image vite balayée par le silence religieux qui se met en place alors qu'ils se tournent l'un vers l'autre prêt à prononcer leurs voeux. Improvisés pour Sarah, appris par coeur après des dizaines de réécritures pour George, mais remplis d'amour et d'un morceau de leur âme pour chacun d'eux.

« Sarah, mon amour. J'avais prévu un long texte très poétique que j'ai finalement oublié. Cependant j'imagine que rien ne doit se passer comme prévu avec ce mariage, sinon ça ne serait pas Nous. Nous justement c'est tout ça : les imprévus, l'insouciance et les surprises dont on se passerait bien parfois. Mais Nous c'est surtout de une confiance aveugle, un soutien infaillible et un amour immuable. Et c'est tout ce que je te promets. Je te promets d'être à tes côtés chaque jour, dans les moments de bonheur et d'insouciance mais aussi dans les moments plus difficiles que la vie pourrait mettre sur notre chemin. Je te promets de t'épauler dans tous tes projets et de te suivre pour réaliser tous tes rêves, même les plus farfelus. Je te promets d'être l'épaule sur laquelle tu pourras pleurer, te reposer mais aussi t'appuyer pour attraper le dernier paquet de biscuit en haut du rayon. Je te promets de toujours rester ton meilleur ami, ton amant et ton mari. En somme je te promets de t'aimer passionnément chaque jour du reste de ma vie, de te rester fidèle pour l'éternité et de faire de chaque seconde ensemble un moment de bonheur. »

George lâche un instant la main de sa future femme pour effacer les quelques larmes qui lui ont échappé pendant que Sarah n'essaie même pas de cacher ses joues humides sur lesquelles des perles salées silencieuses coulent encore. Et lorsqu'il vient mêler à nouveau ses doigts à ceux de Sarah qu'il caresse tendrement à la fois porté par l'émotion et désireux de la rassurer, celle-ci se demande bien comment se lancer après une telle déclaration d'amour.

« Je n'ai aucune pression après ça, merci George. »

Sarah rit entre ses larmes comme toute l'assemblée, et finalement après une longue inspiration elle se lance à son tour.

« George William Russell, je sais à quel point tu aimes que j'utilise ton nom complet, souvent pour te faire tourner en bourrique et je te promets de ne jamais cesser de le faire. Je te promets aussi de continuer à m'inquiéter dès tu montes dans ta monoplace, de m'époumoner encore dans le garage ou devant mon écran à chaque course mais aussi de pleurer à chacune de tes victoires à venir qui seront nombreuses je n'en doute pas. Plus sérieusement, je te promets de toujours te soutenir, d'être présente à chaque étape de ta carrière et d'être à tes côtés à chaque étape de la vie, les bonnes comme les mauvaises. Je te promets d'être ta partenaire, ta coéquipière, la femme de tes rêves mais surtout celle de ta vie de tous les jours sur laquelle tu pourras toujours compter. Je te promets de t'appartenir aujourd'hui, demain, jusqu'à ma mort et même après. Oui, je te promets de t'aimer de tout mon coeur, de toute mon âme chaque jour dans cette vie mais également dans toutes les autres vies qui nous attendent. »

Incapable d'expliquer comment elle a pu aller au bout de son discours avec tant d'émotions à contenir et d'une voix si tremblante, Sarah respire enfin alors que George lui murmure du bout des lèvres un « je t'aime » auquel elle répond dans un sanglot peu gracieux. Ému également, dans un élan incontrôlé, George s'apprête à l'embrasser en réponse lui qui se retient depuis plus d'une heure déjà mais la voix du prêtre lui rappelle qu'il leur reste quelques minutes encore à patienter.

« Vous voilà désormais mariés aux yeux de Dieu, conclut enfin le prêtre. Mais avant de quitter cette église, désormais mari et femme, vous pouvez embrasser la mariée. »

Un « enfin » peu discret quittent les lèvres du britannique juste avant qu'il ne réduise l'écart entre son visage et celui de celle qu'il peut désormais appeler sa femme pour l'embrasser amoureusement. Un baiser légèrement indécent pour une église mais ils sont bien trop inondés de joie pour s'en préoccuper.

Après tout ils s'aiment, Dieu comprendra.

Et sinon tant pis pour lui.

❤️

Nos SouvenirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant