𝗖𝗵𝗮𝗽𝗶𝘁𝗿𝗲 𝟭𝟮.

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Toute la matinée, une sensation oppressante pèse sur mes épaules, comme si un regard invisible me perçait constamment. Je jette des coups d'œil autour de moi, mais tout semble normal. Les étudiants, penchés sur leurs tables de dissection, discutent à voix basse, concentrés sur leur tâche. Pourtant, cette impression de surveillance ne me quitte pas. J'ai l'impression que quelqu'un m'observe, que chaque geste que je fais est analysé. Je tente de me reprendre, de me focaliser sur le muscle étendu devant moi, mais l'écho des mots de Thony résonne encore dans ma tête : « derrière un mouton ce cache le loup »

C'est comme si une alarme silencieuse s'était déclenchée à l'intérieur de moi. Je me sens vulnérable, exposée. Je ne peux m'empêcher de surveiller chaque recoin de la pièce, mes yeux cherchant des indices, des visages. Et si Thony avait raison ? Si quelqu'un, quelque part, savait ce que j'avais fait hier soir ?

Sophia me parle, mais je peine à suivre la conversation. Tout ce que j'entends, c'est le bruit sourd de ma propre inquiétude. L'université, d'habitude un refuge, me semble aujourd'hui un piège. Des regards croisés, des sourires polis, tout me paraît soudainement suspect.

Quand le cours se termine enfin, je n'ai qu'une idée en tête : retrouver Thony. Je dois lui parler, comprendre ce qu'il sait réellement. Je prends congé rapidement de Sophia, prétextant un rendez-vous, et me dirige vers ma voiture.

L'Audi noire m'attend sur le parking, et malgré le soin que j'ai pris à la laver, elle me rappelle brutalement ce que j'y ai fait la veille. L'odeur du cuir neuf ne suffit pas à effacer le souvenir du sang. Je m'installe derrière le volant, mes mains se resserrant autour du cuir.

Je démarre. Mon regard, à plusieurs reprises, capte le rétroviseur. Toujours cette impression d'être suivie. Mais derrière moi, il n'y a rien, juste une rue déserte, bordée d'arbres. Pourtant, ce sentiment persiste, une paranoïa rampante qui ne cesse de grandir.

Le trajet jusqu'à l'entrepôt me semble durer une éternité. Chaque voiture croisée, chaque passant sur le trottoir devient une menace potentielle. Je serre les dents, tentant de me convaincre que je m'imagine tout ça. Fernando est là-bas, il surveille Thony, et je vais enfin obtenir des réponses.

Mais en arrivant à l'entrepôt, quelque chose cloche. Le bâtiment est plongé dans le silence, les alentours déserts. D'habitude, Fernando laisse une lumière allumée, ou je perçois au moins son ombre bouger à travers les fenêtres. Mais là, rien.

Je coupe le moteur, mon cœur battant à toute allure. Je sors de la voiture et me dirige vers l'entrée, mes sens en alerte. Un frisson glacial me traverse quand j'entends un bruit sourd, à peine perceptible, provenant de l'intérieur.

Je pousse la porte. La première chose qui frappe mes narines, c'est l'odeur du fer. Le sang. Immédiatement, je sens que quelque chose ne va pas. J'avance prudemment, les poings serrés, prête à dégainer mes lames si nécessaire. L'entrepôt est sombre, mais je repère une forme gisant au sol, près de la chaise où Thony était retenu.

Je m'approche, et ce que je vois me coupe le souffle.

Fernando. En sang.

— Tu as encore morflé

Il est allongé, son visage ensanglanté, son corps couvert d'ecchymoses. Sa respiration est lourde, difficile. Je me précipite à ses côtés, le secouant légèrement.

— Fernando, qu'est-ce qui s'est passé ? Où est Thony ?

Il ouvre difficilement les yeux, la douleur gravée sur ses traits. Ses lèvres sont fendues, et il peine à parler. Il marmonne quelque chose, mais je ne parviens pas à comprendre.

— Thony... il s'est échappé, réussit-il à articuler faiblement.

Le choc me paralyse. Comment est-ce possible ? Thony était ligoté, incapable de bouger. Fernando devait veiller sur lui. Et maintenant, il est parti.

— Mais comment ? Comment a-t-il pu...

Je n'ai même pas besoin qu'il me réponde. C'est évident. Quelqu'un l'a aidé. Mais qui ? Et pourquoi attaquer Fernando ? Je passe une main dans mes cheveux, essayant de remettre de l'ordre dans mes pensées.

— Tu as vu qui c'était ? demandai-je, plus fermement.

Fernando secoue la tête, grognant de douleur.

— Ils... étaient rapides. Je n'ai rien pu faire... Je suis désolé, Aela.

Je serre les poings. Une rage sourde commence à bouillonner en moi. Thony a filé, mais il ne pourra pas se cacher longtemps.

— Reste là, je vais chercher de quoi te faire soigner, lui dis-je en me levant.

Mais intérieurement, mes pensées sont déjà ailleurs. La traque commence. Et cette fois, je ne laisserai personne m'échapper.

Jeux de pouvoir- tome 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant