Je croyais ne pas pouvoir être plus perdue, mais apprendre que Carlos est encore vivant et qu'Ana ne nous en a rien dit renverse toutes mes certitudes. Qu'elle nous ait caché ses cours de self défense était déjà surprenant, mais là, sa disparition prend un tout autre sens. Si notre amie a été capable de taire quelque chose d'aussi gros, qu'aurait-elle pu faire d'autre ? Et si elle avait justement décidé de tout plaquer pour rejoindre Carlos je ne sais où ?
Sara, quant à elle, a plutôt mal pris les aveux de Maria Carolina. Depuis toutes ces années où je la fréquente, c'est la première fois que je la vois remontée contre quelqu'un. Pour quelqu'un d'aussi loyal et dévoué qu'elle, un tel mensonge paraît inconcevable. Lorsqu'elle a quitté la scène en trombe en prétextant avoir des choses à faire, j'ai tenté de la rappeler. Sans succès.
Depuis, j'oscille entre colère et regrets. Colère, parce que je maudis le silence d'Ana. Je lui en veux de nous infliger ça, de ne pas avoir eu suffisamment confiance pour partager ses tourments. Et regrets, parce que je m'en veux de ne pas avoir été présente, de ne pas avoir écouté mon intuition ni la mise en garde d'Eugenia. Une part de moi ne peut pas s'empêcher de penser qu'un changement, aussi infime soit-il, aurait pu éviter tout ça.
Les jours suivants passent à une lenteur terrible et le vendredi soir ne m'aide pas à me sentir mieux. Affalée sur mon canapé devant la fameuse telenovela des mauvais jours, je ne parviens même pas à me concentrer sur l'écran. J'aimerais parvenir à me changer les idées, mais mes activités habituelles me semblent complètement dépourvues de sens.
Heureusement peut-être, la vie ne semble pas d'humeur à me laisser tranquille de si vite et, lorsqu'une vibration me tire de mon état semi-léthargique, je m'empresse d'extirper mon téléphone de ma poche.
Maria Carolina : RDV à l'hôtel. Tout de suite.
Il ne m'en faut pas moins pour trouver la force de me relever de mon canapé. Lorsque je débarque en trombe à Color Caribe, la réception est étrangement vide. Guidée par une odeur de produit ménager, je franchis l'arche menant au patio. Dans la semi-pénombre, j'y distingue la silhouette des chaises posées à l'envers sur les tables.
— Maria ?
J'esquisse quelques pas pour traverser le patio, quand une porte s'ouvre. Maria, son téléphone collé à l'oreille, me fait signe d'approcher en mettant son doigt sur la bouche.
— Viens, Juli, mais reste discrète. Elvira est partie et il ne faut pas alerter les clients.
Son regard affolé ne me rassure pas.
— Qu'est-ce qui se passe ?
Je franchis le seuil pour pénétrer dans ce qui ressemble aux cuisines de l'hôtel. Maria Carolina ignore ma question pour s'adresser à la personne à l'autre bout du fil :
— Juli est là. Je n'ai pas pu joindre Sara, qui est partie voir sa famille quelques jours.
Agacée par tout ce mystère, je tapote nerveusement le plan de travail en inox.
— Mais enfin, avec qui tu parles ? Pourquoi tu m'as demandé de venir ici ?
En croisant mon regard inquisiteur, Maria écarte enfin le combiné pour articuler tout bas :
— Carlos est à l'appareil. Il m'a appelée avec un téléphone prépayé après avoir intercepté l'annonce de La Voz del Caribe.
Cette déclaration déclenche une envolée dans ma poitrine.
— C'est vrai ? Ana est avec lui ? Est-ce qu'elle va bien ?
Si je crois retrouver un soupçon d'espoir, le mouvement de tête de Maria me laisse croire qu'il est vain.
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Le parfum des ennuis [Terminée]
ChickLitJe n'ai jamais été du genre à me laisser dépasser par les évènements. Même lorsque ma mère débarque chez moi en m'annonçant que mon père l'a mise dehors, que je me retrouve sans un sou et contrainte de mettre mes projets de carrière en pause pour tr...