Sors toi de là !

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Allongée dans le noir, elle pense. Elle pense à sa journée. Tous ces dires, ces gestes, ces regards... Les larmes montantes elle secoue la tête. Pour le moment, dans son lit entourée de ses quelques peluches, elle se sent en sécurité. Ses parents sont au rez-de-chaussée et son grand frère dans la chambre à l'autre bout du palier. « Tout va bien », se répète-t-elle en chuchotant. Sur cette dernière parole ses yeux se ferment.

Le lendemain, cette boule au ventre réapparait dès son arrivée à l'arrêt de bus. Elle fixe le sol en écoutant du métal à fond. Déjà des regards et des rires fusent dans sa direction.

Mais elle le sait. Ne jamais montrer sa douleur devant l'ennemi. Elle retire alors les embouts de ses oreilles et relève la tête. Un visage neutre. Sans émotion. Elle fixe la route en attendant son bus scolaire.

Ça y est. Elle l'a activé. Sa bulle de protection. Rien ne peut l'atteindre. Du moins psychologiquement.

Voyant son indifférence envers eux. Ils ne trouvent rien d'autres que les cailloux à leurs pieds pour la faire réagir. Et ce fût le cas. L'un des cailloux vient heurter la tempe gauche de notre jeune amie. La violence du coup lui créant une légère entaille, elle pose sa main dessus. La ramenant devant sa tête, elle y voit quelques petites gouttes de sang. Elle tourne alors brutalement la tête en leur lançant un regard noir. Ses assaillants, eux, rigolent à cœur joie. Ils l'ont blessé. Leur objectif est atteint. 

Une fois que le trajet en bus, assez bruyant de discussions ou d'insultes, soit terminé la voilà enfin devant son collège. C'est sa troisième année ici. Les adultes étant au courant de son harcèlement depuis son arrivée dans cet établissement ne font rien. Il est plus simple pour eux d'ignorer le problème plutôt que s'en occuper. 'Ridicule me diriez-vous, mais c'est bel et bien la réalité.' En trois ans, leur seul acte fût de convoquer son grand frère qui, pour la protéger de ses assaillants l'insultant de « Grosse Vache », avait poussé l'un d'eux. Rien de plus. Pas même un appel pour prévenir les parents des actes de leurs enfants.

Les cours sont similaires jour après jour. Sur son casier, des mots ou dessins la ''représentant''. Les injures dans les couloirs. Les papiers volants remplient de mots injurieux écrit à l'encre noir. Les récréations sont les pires moments pour elle. Elle s'assoit, seule, dans un coin légèrement cachée des autres espérant un peu de paix. Bien que cette bulle soit utile pour tout supporter, elle est aussi très lourde à porter pour une enfant de son âge. Il n'est pas rare que quelques larmes s'échappent par moment. Mais elle ne les montre à personne. Preuve de faiblesse selon elle dans ce monde de brutes et d'enfants violents et ignorants.

A la cantine, elle ne prend qu'un bout de pain ou du fromage à l'occasion. Si elle prend plus, elle finit souvent avec des remarques sur son poids ou alors ils la comparent à un ogre. Très peu pour elle. En mi-journée, son bouclier d'impassibilité porte déjà beaucoup trop le poids de leurs dires.

L'après-midi et le trajet retour furent identiques au matin.

Son seul et vrai moment d'isolement total fût les trajets de l'arrêt de bus à chez elle. La boule de son ventre disparait pour laisser place à la souffrance refoulée de la journée. Elle s'arrête alors, au milieu du trottoir et pleure. Ici, seule, elle peut retirer sa protection.

De cette situation elle n'en parle à personne. Même pas à ses parents de peur de leurs réactions ou plutôt qu'ils soient déçus d'elle. Son frère, ayant quitté le collège, ne sait pas que ça a empiré. Mais elle ne veut pas de pitié. De toute manière le monde est pourri jusqu'à la moelle.

La nuit tombée, la voilà de nouveau à fixer son plafond en essayant de faire le vide. Vider sa tête pour essayer de dormir.

Sur le chemin de l'arrêt de bus, bizarrement sa boule au ventre n'est pas apparue. Mais elle n'en s'en aperçoit pas. Non aujourd'hui elle se sent bien. Bizarrement. Mais ce ne fût qu'éphémère. Ses camarades en vue, cette boule réapparaît. Une fois positionnée à l'arrêt, des cailloux fusent déjà dans sa direction. Mais cette fois se fût différent. Une voix. Une voix féminine s'adresse à eux.

Sors toi de là.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant