La Rose Nébuleuse

La Rose Nébuleuse

I- Talitha

La première idée qui nous vient à l'esprit lorsqu'on parle de plantes délicates est de penser aux fleurs. Bien que cet argument manque d'objectivité (les cactus étant, par définition, également des fleurs), il subsiste en tant que métaphore ancrée dans le collectif.

Est-ce vraiment une mauvaise chose ? Cela est libre d'interprétation. Les citadins n'ayant sûrement jamais vu d'autres fleurs que celles factices dans les supermarchés vous diront que non, car pour eux cette corrélation entre la fleur et la fragilité n'est autre que réelle; les jardiniers amateurs vous donneront une réponse beaucoup plus 'terre-à-terre' en expliquant que les plantes n'ont besoin que de certains minéraux et de bonnes conditions climatiques pour s'épanouir, et les romantiques, eux-mêmes qualifiés de 'fleurs bleues' vous répondront que la fragilité de la plante est plus émotionnelle que physique, et qu'elles n'ont besoin que d'amour et d'eau fraîche.

La réponse 'objective' n'est pas importante. Qu'elle soit vraiment délicate ou non, et que ses besoins soient physiques ou non, la fleur, comme tous les êtres vivants, est dépendante d'autres entités pour survivre. Nous garderons la discussion d'une possible corrélation entre la dépendance et la fragilité pour plus tard, le but de cette histoire n'étant pas de parler du tout des relations sociales humaines, mais strictement de botanique.

Revenons en à nos moutons, notre précédent quiproquo avait simplement pour but de montrer que dans tous les cas de figure, il est complexe de faire pousser une fleur. Le citadin, tout comme le jardinier amateur ou le romantique n'arriverait pas à faire pousser une plante sans s'y reprendre à plusieurs fois. Le citadin, obsédé par sa fragilité, la couverait trop pour qu'elle s'épanouisse indépendamment; le jardinier la dénaturerait avec des minéraux et autres engrais pour la maintenir en 'bonne santé', et le romantique, même en y mettant toute sa dévotion, finirait par l'effeuiller dans un acte de désespoir en pensant à l'être aimé.

Maintenant que vous vous imaginez la tâche gargantuesque qu'est de faire pousser une fleur correctement, matérialisez un jardin dans votre esprit: un endroit calme, un petit ruisseau qui coule tranquillement à travers cet espace d'une cinquantaine de mètres carrés, quelques endroits, encore intouchés, sont couverts d'une mousse qui semble plus ancienne que les rochers millénaires sur lesquels elle s'est nichée, et, disséminées dans ce petit coin de paradis, des roses sombres aux épines vigoureuses et lacérantes, certaines sont en fleurs, d'autres germent à peine, et quelques unes servent de compost au sol déjà fertile.

Désormais, prenez ce magnifique jardin, et placez le dans une biosphère, dans l'espace.

Félicitations, vous venez de visualiser la scène dans laquelle l'histoire qui vous est présentement contée va se dérouler.

Après tout, faire pousser une fleur sur Terre ne semblait pas être une tâche encore assez compliquée. Il faut toujours que l'humanité trouve un moyen de prouver qu'elle peut accomplir des choses encore plus compliquées que les précédentes, quelle que soit l'importance dudit accomplissement.

Lapersonne chargée de maintenance, et propriétaire de cet endroit, n'en était en réalité pas une.