Shadow

Au commencement

Être un héros est un choix. Un choix que l'on fait chaque jour, à chaque instant. De l'homme ordinaire qui aide quelqu'un qui trébuche dans la rue, aux grands qui combattent une nouvelle invasion extraterrestre; il y a ce choix en commun.

On choisit d'agir pour le bien de l'autre, sans nécessairement attendre quelque chose en retour. Même si cela fait toujours plaisir de recevoir des remerciements. Mais certains disent que les pouvoirs que l'on possède déterminent le genre de personne que l'on sera.

Aiden Brown contrôle les ombres, sous toutes leurs formes. C'est mal vu, bien sûr.

Il sait les faire durcir, leur donner la forme qu'il veut et même se déplacer à travers elles. Aiden sait voir les ténèbres d'une personne et les faire sortir de son corps, les faire parler et interagir avec le monde. Il peut littéralement mettre une âme dans une bouteille. Mais malgré tout, il a choisi d'aider à son tour.

La première fois qu'Aiden a vraiment, terriblement, voulu être un héros, c'était après une de ses leçons de piano. Il avait environ neuf ans et rentrait seul à la maison.

À l'époque, sa mère était souvent à l'hôpital en raison de ses problèmes cardiaques. Son père travaillait dur pour subvenir aux besoins de ses deux fils, ainsi qu'aux soins médicaux de sa femme et aux dépenses quotidiennes. En conséquence, Aiden vivait temporairement avec sa grand-mère. Cela signifiait qu'il devait souvent se déplacer seul.

Sur le chemin, un homme l'avait dévisagé alors qu'il marchait dans la rue. Aiden avait un mauvais pressentiment. Il n'était pas encore très tard, le soleil brillait encore derrière les multiples nuages. Le temps était favorable, avec un vent modéré. Il faisait presque bon pour un mois d'avril. On n'entendait que les quelques voitures qui passaient, le sifflement des oiseaux printaniers, et son sac qui tombait sur son dos au rythme régulier de chacun de ses pas.

Il ne se souvient pas vraiment du visage de l'homme, s'il avait les cheveux bruns ou ébène, s'il avait une veste ou un gilet... Mais ce dont il se souvient, c'est qu'une fois que le garçon a fait trois pas devant cet individu, l'homme l'a suivi.

Au début, il a cru qu'il se faisait des idées, que l'homme devait juste rentrer chez lui. Et que c'était par hasard dans la même direction. Après tout, il était plutôt quelconque comme enfant, cheveux noisette, yeux bleus et peau claire. Un peu maigrichon sur les bords et plutôt petit pour son âge. Il y en avait cinquante autres de garçons comme lui dans ce quartier. Mais le doute restait.

Alors le garçon fit un chemin qui n'avait pas de sens, pour tester sa théorie. Il connaissait bien le quartier, il pouvait se permettre de tels détours. Aiden commença par tourner à droite, puis il prit la deuxième ruelle à travers le carrefour, ensuite il emprunta un raccourci par une petite ruelle, puis à nouveau à droite... mais l'homme était toujours là, à quelques mètres de lui.

Il n'y avait personne d'autre dans la rue, le quartier était relativement calme, mais Aiden se sentait fortement abandonné à ce moment-là. Il aurait voulu que quelqu'un soit là ; un policier, ou un simple passant par exemple. Il n'avait pas non plus de téléphone à l'époque. On lui avait promis de lui en donner un quand il aurait treize ans, en entrant aux secondaires. C'était la mode de faire ainsi au début des années 2000.

Le garçon commença à accélérer le pas. Il espérait que s'il allait assez vite, il pourrait atteindre l'allée du marché et se réfugier dans l'une des boutiques. Sa rue natale se trouvait juste en amont de l'allée du magasin, mais on lui avait appris à ne pas donner son adresse exacte s'il pensait être suivi et à se diriger plutôt vers un lieu public. Un magasin, une piscine, un hôpital, etc. Ne pas suivre les étrangers ne suffisait pas quand c'était eux qui vous suivaient.