Eau trouble

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TW : mutilation.

                Le crépitement de l'eau coupait le silence morne qui s'était installé dans la pièce. Du bout de ses doigts, elle effleura la baignoire en fonte qui se remplissait petit à petit. Lorsque l'eau arriva à la bonne hauteur, elle la coupa et y trempa sa main afin de voir si la température était bonne. Un frisson la secoua, surprise par la froideur de l'eau. Froideur qui était pourtant volontaire de sa part. Elle recula d'un pas, fixa l'eau de ses prunelles dépourvues de lueurs et souffla profondément avant d'entrer dans le liquide glacé. 

Son tee-shirt auparavant ample venait désormais épouser ses courbes et laissait transparaitre le mécontentement de son corps qui tentait de se réchauffer face à cette attaque directe. Elle ne gloussa pas, ne se plaignit pas et ne bougea pas. Elle se contenta de fixer un point invisible droit devant elle.

En revanche, son corps lui, tremblait, palissait et criait de douleur. Ses lèvres habituellement rosées viraient au violet. Tout les signes étaient là, elle pouvait encore faire marche arrière, sortir de cette baignoire et s'entourer de tonne de serviette afin de réchauffer son corps meurtrit. Mais elle resta immobile.

Ses pensées l'enivraient, la douleur que sa carcasse semblait subir se transformait en soulagement pour son esprit brisé. Alors, elle continua de s'enfoncer dans l'abîme de ses pensées et empoigna l'objet luisant au bord de la baignoire. Elle le contempla et joua avec l'effet que produisait la lumière sur lui. Elle s'amusait à effleurer la lame sur sa peau de porcelaine, créant des chemins invisibles qu'elle suivait du regard avec attention. La sensation parcourait tout son corps, à la fois si douce et si menaçante. Une pression trop accentuée, un mouvement mal dosé, et ce plaisir se transformerait en calvaire. Elle sentait sa tête lui tournée, c'était à elle de jouer. 

Elle accentua l'impulsion de la lame sur sa peau et l'entailla pour de bon. Toutes sortes de dessins, de lignes abstraites naissaient sur ses bras laissant sur leur passage une traînée de fluide rouge qui venait contester la température du liquide transparent. Les deux substances se rencontrèrent et fusionnèrent dans une valse de spirales infernales. Ce spectacle éblouissant ne fut qu'éphémère, car elle avait tracé tellement d'arabesques sur ses membres que la quantité de sang auparavant minoritaire se retrouva totalement mélangée, ne laissant qu'une marre pourpre et poisseuse à l'odeur de fer. 

Ses bras et ses jambes la piquaient effroyablement mais ce n'était pas pour cela qu'elle pleurait. Elle pleurait pour toute les douleurs que la vie lui avait fait endurer. Des douleurs bien plus intenses. Alors, les larmes roulaient sur ses joues, glissaient sur sa peau et rejoignirent leur source, remplissant le bain à leur tour. Son état se dégrada rapidement, elle sentait qu'une partie d'elle était en train de lui échapper. 

Elle ferma les yeux et murmura dans un dernier souffle « Toi qui était persuadé de pouvoir sauver quiconque, j'ai enfin l'occasion de te prouver qu'une personne qui se condamne ne peut être sauver que si elle en a décidé. »

Pensées troubles.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant