Rappelle-moi de te détester - SOUS CONTRAT D'ÉDITION CHEZ COLLECTION &H

Chapitre 1

Camila

J'y étais. Enfin ! Mon diplôme validé, je n'avais plus qu'à réaliser tous mes projets et cet avenir brillant que j'espérais. Mon père esquissait un sourire, du moins c'était ce que j'en avais déduit après des années à analyser cet homme froid comme la glace. C'était certainement ce qui le rendait aussi impressionnant, sa façon de garder une posture à la fois droite et imposante, même dans les pires circonstances. Ou les meilleures. Le décor était splendide. En même temps, être diplômé de Harvard après des années d'études méritait bien une gigantesque cérémonie pour les étudiants. Beaucoup d'entre eux y assistaient en famille, et pour certains, leurs accompagnants étaient au moins une dizaine. Cela dit, il faisait agréablement beau et l'extérieur était assez grand pour accueillir une foule de plusieurs centaines de personnes. Tout avait été prévu : un buffet, un bar, des animations, et surtout, l'estrade, de laquelle je venais de descendre après avoir récupéré le Graal : mon diplôme.

J'aurais adoré partager cet instant avec Jessica. Pas une seconde ne passait sans que je pense à elle et sa décision absurde de partir vivre sa vie à l'autre bout du continent, en plein cœur de la Cité des Anges. J'étais la seule au courant de cette information. Elle ne voulait absolument pas que notre père apprenne quoi que ce soit la concernant. C'était triste, mais c'était ainsi. Ce qui me brisait le plus le cœur était qu'elle ait osé refuser de participer à mes fiançailles il y avait de cela quelques mois. Ma propre sœur jumelle.

Jess et moi nous ressemblions comme deux gouttes d'eau, d'après notre entourage. Seulement, nos deux styles étaient si différents que beaucoup devaient plisser les yeux avant de remarquer nos traits physiques identiques. Ça ne me gênait pas, car toute notre vie, nous nous étions complétées et jamais marché dessus. Elle avait son territoire, j'avais le mien, et c'était ainsi depuis la crèche. Elle aimait tout essayer, que ce soit les couleurs de cheveux ou les mecs, tandis que moi, je me focalisais sur les études.

Nos caractères s'étaient extrêmement affirmés à partir de la mort de notre mère, lorsque celle-ci avait été emportée par un terrible accident de voiture et que mon père avait décidé de consacrer sa vie à son travail. À 14 ans, Jess et moi avions pensé qu'il ne s'agissait là que de sa thérapie pour survivre à son deuil, comme nous, mais non. Dix ans plus tard, il était resté cet homme impénétrable, capable de briser une société familiale l'après-midi et de manger au dîner comme si de rien n'était.

Cela faisait déjà plus d'un an que Jess avait quitté New York. Je la comprenais, elle n'était pas vraiment à sa place ici, même si j'avais passé des heures à la convaincre du contraire. Ma sœur aimait la plage, la chaleur, la liberté, l'espace. Les buildings interminables de la Grosse Pomme l'étouffaient depuis toujours. Elle avait cependant laissé tomber Harvard, pour suivre quelques cours à Julliard, l'école de ses rêves.

J'ignorais comment elle vivait et, connaissant son excentricité, je n'étais pas certaine de souhaiter le savoir. Elle me manquait terriblement. Notre lien était particulier. Nous avions longtemps fait qu'une, comme si le monde entier ne pouvait pas nous faire peur tant que nous restions ensemble. Puis elle était partie, emmenant avec elle une partie de mon cœur. Quand nous étions plus jeunes, Jess était la plus dépendante de nous deux et ne voulait pas que nous nous séparions. Mais au décès de notre mère, alors que je m'étais renfermée sur moi-même pour me consacrer à l'école, elle s'était créé une nouvelle bande d'amis peu recommandables. Nos chemins s'étaient peu à peu éloignés, et j'en avais été la plus touchée. J'avais besoin d'elle mais me murer dans un silence de plomb me paraissait plus facile.

Au lycée, ma sœur avait fait partie de l'équipe de pompom girls, et par conséquent, était parmi les plus populaires. Étant sa jumelle, j'appartenais malgré moi à cette team composée de sportifs et de pestes, bien que je ne reste que rarement avec eux et que beaucoup aient longtemps fait semblant de m'apprécier.