Silence Radio

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Sur Inmedias, la vie avait repris son cours après le passage du Destructeur de Mondes. Ils avaient continué de diffuser leur contenu, et avaient même réussi à se procurer – de source fiable – une liste des prochaines cibles du Destructeur de Mondes qu'ils s'étaient empressés de publier pour lui tirer une balle dans le pied.

Le problème, c'est que quand on vise mal, et qu'on prend en compte le fait qu'une balle peut ricocher, on risque parfois de se prendre sa propre balle, et pas forcément dans le pied.

Cinq heures et demi. Le concierge qui s'occupait de l'accès aux visiteurs et invités sortit son trousseau de clés dans un bâillement et ouvrit le vieux portail rouillé qui permettait l'accès aux bureaux et logements résidentiels des employés.

Il grommela quelque chose d'incompréhensible, se plaignant sûrement de l'ancienneté de la porte, qui devait bien avoir plusieurs siècles. Il se tut quand il entendit des bruits de pas derrière son dos, et se demanda qui pouvait bien arriver aussi tôt.


- « C'est ouvert ? Demanda la personne, toujours hors du champ de vision du concierge.


- Vous êtes bien matinal, répondit le concierge. Je viens d'ouvrir, oui, vous êtes là pour visiter les locaux ? »


Une fine lame transperça le ventre du concierge, qui remonta jusqu'à ses poumons. Dans un râle d'agonie, il laissa tomber sa tête en arrière et vit l'homme qui l'avait embusqué.

«Non, pour le travail... »

Quelle surprise. Le Destructeur de Mondes.

Il retira doucement sa lame, et le concierge glissa lentement par terre tout en se vidant de son sang. Son meurtrier poussa les lourdes portes métalliques et entra dans le complexe : personne ne sortirait vivant de cet endroit.

En se promenant dans les couloirs des locaux, il ouvrait toutes les portes, fouillait tous les recoins et tuait tous ceux qui avaient le malheur de le rencontrer au détour d'un couloir. Il avait sur lui tout un armada qui lui laissait l'embarras du choix, et il ne se fit pas prier.

Quelques personnes, en désespoir de cause, se jetaient sur lui avec le peu d'objets contondants qu'ils pouvaient trouver dans leurs bureaux, dans le vain espoir de l'arrêter, ou de le ralentir, pour les plus rationnels.

Rien n'y fit. Un par un, les employés et habitants d'Inmedias tombaient face à la créature, et le sol, habituellement luisant d'un blanc immaculé, avait pris une teinte rougeâtre et sombre, comme si le studio s'était converti dans la production de films d'horreur.

Mais le Destructeur de Mondes ne l'avait pas encore retrouvée. Tous ces gens importaient peu pour lui, il voulait juste trouver Eonis, voir la surprise et le déni sur son visage affligé, alors qu'il la soulèverait par le cou. Il n'arrivait même pas à s'imaginer toutes les choses horribles qu'il pourrait lui faire subir avant de lui asséner le coup de grâce.

Finalement, en arrivant sur le plateau de production, il aperçut enfin sa si chère victime, en train de tourner une émission en direct avec des invités.

Politesse oblige, il se rua d'abord sur les invités avant que quiconque n'eût le temps de se rendre compte de sa présence.

Alors qu'il eut commencé à dépecer ses proies, encore en état de choc, Eonis sauta de sa chaise et monta vers la salle de tournage.

Le bâtiment, qui servait également de poste radio, possédait un accès extérieur qui montait sur plusieurs dizaines de mètres pour émettre des ondes pour tous les auditeurs radio.

Une fois qu'il eut servi les invités, le Destructeur de Mondes emprunta à son tour les escaliers. Sa petite mise en appétit et l'odeur du sang qui recouvrait désormais ses habits et s'était imprégnée dans les murs des locaux avaient réveillé ses pulsions bestiales. En haletant comme un loup affamé, il gravit les marches quatre par quatre, en trébuchant et se relevant quasi instantanément pour atteindre sa proie.

Eonis arriva au bout de l'escalier, au sommet de la tour. Elle ouvrit la porte et se retrouva à l'extérieur, avant de la refermer sans pouvoir la bloquer d'une quelconque manière. Près de 35 mètres la séparaient du sol, il n'y avait nulle part où aller, aucun endroit où se cacher.

Les spectateurs sur son live, qu'elle n'avait toujours pas coupé, se déchaînaient, dans un mélange d'incompréhension, de peur et d'enthousiasme. Qu'allait-il se passer ? N'était-ce qu'une mise en scène de leur influenceuse préférée ?

Le Destructeur de Mondes, enfin arrivé au bout de sa course, donna un coup de pied dans la porte, qui sortit de ses gonds et se retrouva propulsée de la tour. Il se tourna lentement, alors que le bruit sourd de la pauvre porte rencontrant le sol retentit.

«Sacrément endurante... dit le Destructeur de Mondes, reprenant son souffle. Tout ça pour quoi, au final ? »

Il s'approchait lentement, pas à pas, d'Eonis. Tétanisée par la peur, elle recula lentement lorsqu'il se remit à parler, de sa voix froide et désincarnée.

«Quel dommage de ne pas savoir tenir sa langue, de ne pas vouloir ravaler sa fierté en voulant défier une autorité qui est hors de votre contrôle, reprit-il. Si vous n'aviez pas diffusé des informations confidentielles concernant les choix de mes clients, j'aurais presque pu oublier notre petite querelle sur le plateau... »

Des larmes se mirent à couler sur les joues d'Eonis, mais elle restait placide, incapable de trembler.

«Et le pire... reprit-il, en arborant un sourire malsain. Le pire,c'est que c'est de votre faute. A cause de votre égoïsme et de votre naïveté, tous ces gens sont morts, cette planète est complètement détruite. Il n'y a plus que vous et moi, et bientôt, il ne restera plus que moi... »

Eonis recula encore, son talon toucha le bord de la rambarde de la tour : plus d'échappatoire possible.

Lentement, le Destructeur de Mondes releva son bras et tendit sa main en direction d'Eonis, pour l'attraper par le cou comme il l'avait prévu.

Cependant, avant qu'il ne fût à sa portée, elle se retourna vivement, sauta sur la rambarde et jeta un coup d'œil vers lui, avant de sauter dans le vide.

Le Destructeur de Mondes, visiblement surpris, se précipita vers la rambarde, histoire de ne rien manquer du spectacle. Bien qu'insatisfait, il savait qu'au moins, elle n'en réchapperait pas.

Eonis s'écrasa au sol dans un bruit sourd et un nuage de poussière s'éleva au niveau du point d'impact. Quand toute la poussière fut retombée, il ne restait que son corps à moitié enfoncé dans le sol meuble, et son sang, qui coulait à flots, se propagea autour d'elle.

«Quelle lâcheté... elle ne m'accorde même pas le plaisir de lui prouver qu'elle avait tort. Ou alors, dans la continuité de son déni, elle pensait me clouer le bec en m'ôtant la satisfaction de mon travail... Dans tous les cas, elle reste la seule perdante aujourd'hui. »

Sur ces mots, le Destructeur de Mondes tourna les talons, désormais prêt à mettre le cap sur sa prochaine cible.

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 14 ⏰

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