Projet Z

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A l'extérieur le monde s'était éteint dans le silence.

Au début il y eu bien des explosions, des cris, des pleurs, mais très vite, pour les quelques survivants qui osaient encore arpenter les rues dévastées, le silence devint une règle.

Aujourd'hui l'âge d'or de la civilisation humaine s'est effondré. Les ténèbres reprennent leur place et tels les dinosaures de jadis, nous sommes condamnés à nous éteindre.

Nous avions survécu jusqu'à présent à tous les fléaux promis par les prédicateurs. Stations orbitales à la dérive s'écrasant sur Terre, catastrophes climatiques ou invasions alien prédites par de vieux calendriers mayas détournés. Tout cela avait fait trembler secrètement les foules. Comme si l'être humain se rassurait d'une fin définie; comme si l'Humain espérait que son monde s'achève vite.

Pourtant, toutes les dates de pseudo apocalypse passèrent sans que rien d'autres, sinon des nuages, n'assombrisse le ciel. L'Humain devait vivre et c'est tout. Tous reprirent alors leurs occupations, feignant de n'y avoir jamais cru, cachant à merveille l'embryon de déception qui était né en eux. Le chaos promis ne viendrait jamais sauver leur vie d'un misérabilisme profond.

Quelques mois plus tard, en écrivant ces lignes, je ne peux m'empêcher de sourire.

Toute ma vie, je m'étais dit que si la vie sur Terre devait s'éteindre, ça serait uniquement de la faute de l'Homme. Rien qui n'aurait pu être prédit à l'avance par quelque astrologue moyen-âgeux, créateur de mode has-been, ou civilisation massacrée par les espagnols des siècles auparavant. J'aurais aimé avoir tort.

Je me fais souvent la réflexion que j'ai du être un peu trop geekette dans le passé. Berçée par des films post-apocalyptique et la voix de Mel Gibson; enfant effrayée par la démarche des Zombies de Romero; adolescente amoureuse d'un Kevin Costner nageant pour trouver la terre promise; adulte charmée par un Will Smith traquant les biches dans les rues d'une mégapole en ruine. J'ai été conditionnée pour survivre dans un monde détruit, alors me retrouver dans une ville en proie à la destruction et au pillage me semble être la chose la plus naturelle du monde. Il ne restait qu'à choisir quelle calamité nous tomberait dessus. Virus mutant, malédiction d'un dieu nommé Chtulhu, hiver nucléaire. Aujourd'hui encore j'ignore ce qui nous est arrivé, je ne peux que déduire que quelque part, quelque chose a foiré. Que ce qui court les rues et le résultat d'un scientifique fou; d'un groupe terroriste ingénieux; d'un laborantin malhabile; d'une punition céleste. Je l'avoue, je ne sais rien et comprendre ce qui nous arrive ne fait pas partie de mes priorités. Vivre est devenu bien assez difficile comme ça, si en plus on devait réfléchir à des futilités.

Coucher ma vie, ou plutôt notre vie dans ce journal sera la dernière chose intelligente que je ferai en dehors d'assurer ma survie. Je ne suis pas stupide et je ne me fais aucun espoir sur notre survie, personne ne lira mes mots, mon témoignage ne servira à rien. Les rares personnes encore en vie ont vécu la même chose que moi, pourquoi voudraient-ils lire leur quotidien ? Et puis qui me dit qu'un jour quelqu'un tombera sur ces notes. Nous pourrions être les deux derniers êtres humains sur cette terre. Si j'écris c'est purement égoïste.

Pour ne pas sombrer dans la folie et pour fuir mon compagnon.

Ou plutôt pour fuir mon compagnon et ainsi ne pas sombrer dans la folie.

Pour m'isoler quelques instants de ce type immonde que la fin du monde m'impose.

Pour avoir la force de ne pas claquer la porte de notre appartement et m'offrir en pâture à ces bêtes.

Mais les jours passent et se ressemblent, je veux pouvoir relater le début de notre enfer le plus fidèlement possible avant que tout ne devienne embrouillé.

Tant qu'il me reste un semblant de raison.

Tant qu'ils se contentent de rester dans la rue, à nous attendre.

Tant qu'ils n'ont pas encore eu l'idée de venir nous chercher...

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