𝒸𝒽𝒶𝓅𝒾𝓉𝓇𝑒 𝓊𝓃

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𝔅𝓇𝑜𝒶𝒹𝓌𝒶𝓎,  𝟙𝟡𝟛𝟚

L'élément qui l'avait entraînée dans cette maison en particulier et pas dans une autre était éternellement méconnu d'elle et d'autrui. C'était un instinct viscéral. Cette faim de supplice qui creusait ses entrailles et la guidait là ou bien à un autre endroit. 

La lune lézardait ses reflets irisés au travers du gemmail de la porte. Diaphanéité et obscurité se vouaient une douce valse au milieu de la silencieuse mélodie que l'orchestre des songes jouait en ce milieu de nuit.

Les âmes libres dans le subconscient s'éveillaient enfin. C'était le moment où les corps usés se reposaient et où les esprits rêveurs s'élevaient. Un moment où l'astre chaud retirait son manteau éclatant pour offrir une robe obscure à son opposé. Et si la pénombre cachait les secrets au creux de ses bras, octroyant un calme reposant aux êtres du jour, elle accordait ainsi une pleine impunité aux créatures de la nuit.

Elle, était une de ces créatures nocturnes, constituant ce que les ténèbres s'évertuaient à dissimuler.

Envoûtant tout être qui croisait son chemin, par la raffinée oscillation entre sa force surprenante et la douceur de ses yeux bordés de longs cils. Elle emportait avec elle, les ombres et les vents, faisait tourner les nuques dans sa direction et marchait comme si le lieu lui appartenait.

Ce soir-là, alors que le disque opalin déversait ses éclats sur les lames tranchantes de quelques ustensiles de cuisine, elle déambulait d'une lenteur maitrisée entre le mobilier qu'elle découvrait tout juste.

Elle venait d'entrer dans cette maison inconnue, mais l'endroit lui apparaissait d'ores et déjà familier, pour la simple et unique raison qu'elle en avait décidé ainsi. Elle ferait la loi, juste pour s'amuser.

Son long manteau traînait au sol, sillonnant la pièce principale au carrelage en damier noir et blanc. Chaque détail comptait. Si son simple instinct la propulsait à ces emplacements spécifiques, elle soutenait une forme de respect face à elle-même et disciplinait son esprit à garder tout en tête, comme pour honorer ce qui l'avait mené jusqu'ici. Elle n'y arrivait pas toujours et prenait ça comme un défi pour y parvenir la fois d'après, sans jamais se lasser.

Morbide et sinistre sonnaient comme une poésie à ses oreilles dont ses actes en dessinaient les vers.

Sur un guéridon reposait un large vase en porcelaine dans lequel baignait un bouquet dont les fleurs rechignaient à s'agiter sur son passage, comme si un démon venait de les troubler. Elle nageait autour d'elles, omniprésente, pareille à un être éthéré. L'eau sembla se brouiller d'un poison qu'elles avalèrent, brûlant leurs tiges en laissant le goût amer du désir éternel et coupable**.

Elle était similaire à ces fleurs. Elle avait été pétillante de vives couleurs avant de découvrir la névrose qui s'écoulait dans ses veines. Après ça, elle se décida à considérer ce poison comme un breuvage adéquat au lieu de se condamner pour de tels écarts putrides et infectes.

Son premier acte était il y a des années, rien n'avait changé depuis. Tout avait même empiré, comme si ses premiers meurtres n'avaient été que les prémices de son déséquilibre.

Aujourd'hui, et tout particulièrement ce soir, elle était la badine épineuse d'une rose, et ses pétales d'un pourpre sanglant allaient voler leur teinte à autrui comme lors des précédentes nuits.

Lentement, savourant le moindre de ses faits et gestes, la moindre de ses pensées et chaque seconde qui s'écoulait, elle retira son interminable manteau pour le déposer sur le dossier d'un fauteuil surplombé par un luminaire éteint.

𝐄𝐋𝐄𝐆𝐀𝐍𝐓𝐄𝐌Où les histoires vivent. Découvrez maintenant