Guillaume regardait d'un air absent le DVD posé bien en évidence sur la table du salon. Il avait loué un film au vidéo-club du coin. Enfin, un film... C'était un film pornographique pour dire la vérité. Et pas n'importe quel film. Un film entre deux hommes. Un porno gay en somme. Il avait honte, ce n'était pas dans ses habitudes. Loin de là. Lui, il était plutôt adepte des pornos où il pouvait se branler devant une belle paire de seins. Il s'était toujours considéré comme un aimant à meufs, un Don Juan moderne, et il en était pas peu fier. Mais voilà, depuis quelques semaines il n'arrivait plus à se sentir entier quand il draguait les jolies filles comme à son habitude. Il se sentait bizarre. Il se sentait sale après être allé aux putes. Ne prenait même plus de plaisir à draguer les bonnes meufs qu'il croisait lors de soirées. Il avait la constante sensation de tromper quelqu'un alors qu'il était célibataire. Et que tromper ne lui avait jamais posé de problèmes auparavant lorsqu'il était en couple.
Et puis, une personne était constamment présente dans ses pensées désormais. Et ça le troublait. Parce qu'il s'agissait de son meilleur ami et colocataire Aurélien. Il avait mit du temps à le comprendre, mais il s'était rendu compte que petit à petit sa présence à ses côtés lui était devenue vitale. Il avait constamment envie d'être avec lui, de lui parler, de l'écouter, de le sentir près de lui tout simplement. Il avait commencé à agir différemment avec lui, petit à petit, jour après jour, presque sans s'en rendre compte. Il le laissait l'approcher un peu plus qu'avant, ne se tendait plus autant à son contact, en redemandait même plus à chaque fois, silencieusement. Aurélien avait toujours aimé les contacts, les câlins, les gestes affectueux... Il était très tactile, contrairement à lui. Même envers ses amis, il était comme ça. Et la plupart de leurs amis, ça ne les dérangeait pas. Mais lui, il avait toujours eu une aversion pour le contact. Il avait peur de trop se laisser aller, et que ça le rende faible. Cette distance qu'il mettait entre lui et le monde entier, c'était ce qui lui permettait de se protéger. Alors, ces dernières semaines, quand il avait commencé à se laisser apprivoiser un peu plus chaque jour par son ami, ça l'avait troublé. Et il voyait que quant à lui, Aurélien en était heureux. Il profitait de chaque instant avec joie. Un bras qui le frôle doucement, un regard soutenu un peu trop longtemps, une position un peu trop proche sur le canapé. Guillaume ne savait pas que faire pour arrêter cette machine infernale entre eux, et puis... il n'était pas vraiment sûr de vouloir l'arrêter.
Il avait commencé à se dire que finalement il n'y avait aucun mal à se laisser apprivoiser, à se laisser approcher. Si ça lui faisait aussi plaisir et que lui-même commençait à aimer ça... Mais ces derniers jours, il avait honte de l'avouer, il avait commencé à sentir une attirance physique pour Aurélien. Il en avait honte, et bien qu'il essayait de se convaincre que c'était faux, c'était la vérité. Parfois, il laissait son regard traîner plus longtemps qu'il ne le faudrait sur son corps lorsqu'il ne le regardait pas. Il avait même laissé traîner son regard sur son torse lorsqu'il était sorti de la douche vêtu d'une simple serviette une fois, et avait aperçu que trop tard le petit regard interrogateur d'Aurélien. Il s'était maudit intérieurement en détournant rapidement le regard, se disant que ce qu'il venait de faire, c'était tout simplement malsain. C'est pour ça qu'il avait loué ce film. Pour vérifier ses doutes. Pour enfin savoir s'il était vraiment attiré par les mecs ou pas. Et pour pouvoir enfin extérioriser ce trop plein d'émotions qu'il ressentait à l'intérieur de lui. Il n'avait pas réussi à se faire jouir devant un porno hétéro, malgré les formes voluptueuses de l'actrice, et il était hors de question qu'il se branle en pensant à son colocataire. Il préférait encore se branler sur des acteurs amateurs de porno ridicule.
Alors, Guillaume inspira profondément et se leva pour aller mettre le DVD dans la fente de son ordinateur, posé sur la table basse devant lui. Il mit son téléphone en mode silencieux et le retourna sur la table. Il n'avait pas envie d'être dérangé durant une activité comme celle-ci. Déjà qu'il y allait à reculons. Mais il était obligé. Sinon il exploserait de l'intérieur de frustration. Il alla chercher un paquet de mouchoirs et appuya sur play après une nette hésitation.
