Chapitre III

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Installée sur mon siège, je cherche à me faire la plus discrète possible, adoptant la posture d'une enfant ayant commis une grave erreur. Kaan, toujours énervé, parcourt la pièce en effectuant des gestes amples avec ses bras.

– J'hallucine... Est-ce que tu sais au moins ce qu'on envoie à une personne malade ? Attends ! Je vais répondre ! Tout sauf des roses !

Chaque pas semble accentuer son agitation. Les soupirs répétés et les gestes brusques reflètent son irritation grandissante. Les regards fuyants et la mâchoire serrée témoignent de sa lutte intérieure pour refréner tout élan d'insulte à mon égard.

– Je suis désolée... Je trouvais ça trop banal, les pivoines. Je voulais changer un peu..., murmuré-je avec une pointe de regret.

– Pourquoi enverrais-je des roses à mon associée ? Les roses, c'est pour l'amour, la passion, pas pour souhaiter un bon rétablissement ! Tu pouvais opter pour des tournesols, des marguerites... mais des roses, Neva !

Sa voix exprime clairement son agacement et son incompréhension face à mon choix peu approprié. Mes ongles deviennent inconsciemment le centre d'attention. La tête légèrement baissée, mes yeux évitent le contact visuel.

– Sort, je ne veux plus te voir un moment ! Ordonne-t-il d'une voix sévère.

Je reste muette, absorbant le poids de sa colère, mais il répète en hurlant plus fort :
– Sort !

Je relève la tête, incertaine d'avoir bien entendu. Un instant de perturbation traverse son visage, comme si ses propres mots lui échappaient et qu'il les regrettait amèrement. Cependant, dès la seconde suivante, ses sourcils se froncent à nouveau.

Je m'en vais sans faire de bruit, tentant de minimiser ma présence, mais même en sortant, je l'entends hurler sarcastiquement : "Pourquoi pas cinquante roses tant qu'on y est !" Ses mots résonnent, attirant l'attention de tous.

                                       ***

Allongée dans mon lit, je me retrouve dans un état presque catastrophique. Je ne peux empêcher mes larmes d'inonder la chambre. Les chocolats jonchent le drap, certains à peine entamés, d'autres déjà ouverts, témoignant de mon besoin de réconfort sucré.

– C'est fini, il va me renvoyer...

Lana, allongée à côté de moi, se redresse brusquement.

– Allez, maintenant que tu as pleuré, il est temps de te ressaisir ! Après tout, il a mentionné qu'il ne voulait pas te voir, mais ça ne signifie pas forcément que tu es virée !

Par moments, je me surprends à envier la vie de Lana. Sa présence rayonnante illumine chaque endroit où elle se trouve. Ses yeux perçants captivent, tandis que ses cheveux noisette encadrent son visage avec douceur. Une pluie d'étoiles embellit délicatement son nez.

Elle peut éprouver des sentiments pour quelqu'un et passer à une autre lorsqu'elle en a assez. Pour ma part, c'est différent. Veli est mon premier et dernier amour.

Je me redresse également, terminant le dernier morceau de mon biscuit.

– Tu as raison ! Je vais devoir fournir beaucoup d'efforts et tâcher d'être plus discrète. Je vais m'appliquer tellement dans mon travail qu'il n'aura pas d'autre option que de me garder !

Un message provenant d'un numéro inconnu fait vibrer mon téléphone.

" C'est Dove. Rendez-vous à l'adresse que je vais t'envoyer pour surveiller Kaan, s'il te plaît ! Je te revaudrai ça, promis ! Veli est à côté de moi et refuse de me laisser partir... "

– Pourquoi elle te demande ça ? Et comment elle a eu ton numéro ? Tu ne vas pas y aller quand même !

Je réponds en haussant les épaules, doutant un instant.

– Elle a dû l'obtenir à l'agence, j'avais communiqué toutes mes informations personnelles.

– Dans tous les cas, ce n'est pas à toi de faire ça, surveiller ton patron dès le premier jour, le délire... En plus, tu es déjà en mauvais termes, ce n'est pas une bonne idée.

– Je dois me rapprocher de Dove, développer une amitié pour qu'elle se confie à moi et partage tout. Si c'est la voie à suivre, alors soit. Après tout, je resterai dans l'ombre. Il ne me verra même pas ! Tu me passes les clés de ta voiture ?

– C'est une mauvaise idée, Neva...

Un silence pesant s'installe, nos regards convergent vers son sac à main. Elle devine mes intentions et secoue la tête pour me dissuader. Ignorant son avertissement, nous nous lançons simultanément sur le sac, créant une lutte maladroite. Aucune de nous ne parvient à l'attraper, nos mouvements désynchronisés entraînant des rires spontanés.

Elle abandonne, me laissant prendre possession du sac. En signe de victoire, je lui envoie un bisou avec enthousiasme, gardant mon t-shirt oversize et mon short à peine visible. Après tout, je n'ai pas besoin de m'apprêter, je serai cachée.

Sa voiture ressemble à une véritable épave, destinée à prendre le chemin de la casse. Ces dix minutes ont été une épreuve intense. À chaque feu rouge, mes prières s'élevaient dans l'espoir qu'elle redémarre et avance. Cependant, elle peinait, émettant un bruit de moteur lugubre et crachant de la fumée, incitant les autres conducteurs à ne pas trop s'approcher.

Selon mon GPS, je suis juste devant le restaurant César. Il doit être à l'intérieur, mais Dove n'est toujours pas là. Un moment de panique me submerge. Ce n'est pas le moment de faire marche arrière. Je me sens un peu décalée dans ce décor chic. L'ambiance rouge et noir n'est pas vraiment ma tasse de thé. Rapidement mal à l'aise, je trouve une place libre juste derrière le dos de Kaan. Il est accompagné d'une femme qui épouse parfaitement l'atmosphère du restaurant avec sa robe moulante rouge. Je m'installe silencieusement, puis attrape le menu posé sur la table que je place devant mon visage, tentant d'être la plus discrète possible.

De manière abrupte, quelqu'un s'empare de mon menu, me forçant à le laisser tomber. Un frisson parcourt ma colonne vertébrale, mais je réussis à ne pas émettre le moindre son. C'est seulement lorsque je distingue le visage de Dove que je réalise qu'elle est enfin arrivée, mettant fin à son absence prolongée.

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