Joyeuse St Valentin !

8 1 3
                                    

— Je déteste la St Valentin.

— Pfff, t'as qu'à arrêter de faire la chasse aux râteaux aussi...

— Roh, c'est bon, hein...

Un rire franchit mes lèvres. Voilà un concept que je ne comprendrai jamais : le râteau. Pour moi, il est évident qu'un amour sans retour doit rester secret.

Je détourne les yeux de ces deux camarades qui discutent au fond de la classe pour me plonger dans mes propres pensées. Oui, c'est la St Valentin, et ce jour là je l'ai passé à couvrir d'un regard amer l'élu de mon cœur que je soupçonne d'être déjà en couple. Il faut croire que ma vie n'est faite que d'amours déçus...

Je me concentre sur ce que dit le prof et la fin du cour se déroule tranquillement, ainsi que la fin de la journée.

— Je rentre avec toi ? demandé-je à mon meilleur ami à la sortie des cours.

— Oui, répond-il, mon père peut nous ramener.

Nous faisons le tour de l'établissement jusqu'à la belle entrée des professeurs et là, nous entrons dans une Volkswagen de couleur sombre. Je salue le père de mon ami avant d'ouvrir mon téléphone. Le conducteur redémarre la voiture et roule tant bien que mal derrière les autres automobiles ne cessant de s'arrêter. Dans cette ruelle entre la place devant le collège et l'allée de l'autre côté est souvent encombrée en fin de journée, se frayer rapidement un chemin devient un véritable parcours du combattant.

Je baisse les yeux vers mon portable. Ma mère est en train de m'appeler. Je déglutit avec difficulté. Elle est partie il y a trois jours chez mes grands-parents. Cet appel ne peut rien présager de bon...

En tremblant, je décroche.

Elle prononce mon nom.

— Tu préfères que je te rappelle plus tard ? me dit sa voix à l'autre bout du fil.

— Non, dis-je d'une voix tendue.

À quoi bon remettre à plus tard ce qu'on peut faire au moment même ?

Obéissant à mes paroles, ma mère prononce trois mots.

*

Bordeaux. Une ville que j'aurais trouvé plutôt sympathique si les circonstances avaient été moins difficile.

Le début du mois de février rendait la température basse, mais supportable malgré tout. Qu'importe. J'aurais été prêt à supporter aussi bien le climat hostile sibérien que la chaleur humide amazonienne pour me rendre à Bergonié.

Dans mon savoir parfois très bancal, je savais que Bergonié est une sorte d'hôpital spécialisé dans le traitements du cancer. Ce qui explique pourquoi mon grand-père avait dû partir de chez lui, bien des kilomètres au-dessus de cette ville, pour se rendre ici.

J'étais déjà venu dans ce bâtiment, quelques semaines auparavant. J'en reconnaissais chaque couloir, chaque ascenseur et surtout chaque chemin biscornu qu'il fallait emprunter pour se rendre à destination. Quoiqu'il en soit, cette chambre, nous l'avons trouvée. Ma grand mère, ma tante, ma mère et moi n'y sommes pas entrés en même temps. Je patientais tantôt avec l'une, tantôt avec l'autre.

Mais quand ce fut mon tour, je ne pus que remarquer la maigreur de mon grand-père.

Comme j'admirais cette homme... Cela faisait trois longues années qu'il endurait ces souffrances que je ne pouvais qu'imaginer. Il avait dû manger avec un tuyau dans le nez après que les rayons lui aient brûlé l'intérieur de sa poitrine, se raser complètement la barbe après que ses cheveux ne se soient mis à tomber, il avait maigri, il parlait d'une voix changée, et tant d'autres choses qui ne me venaient pas à l'esprit. Et tout ça à cause d'une tumeur au poumon que l'on avait mis un peu de temps à découvrir.

Joyeuse St Valentin !Where stories live. Discover now