RADUCHKA T1 (terminé), T2 (en cours)

T1.Chapitre 15 - Raduchka

La tension est palpable au sein des coulisses.

Plusieurs jours que l'on s'entraîne. Chaque pas, chaque détail, chaque vibration de voix a été répété un nombre incalculable de fois. Je sais exactement où je dois me trouver sur la scène par rapport à la musique. Où les cinq filles qui m'accompagnent doivent également se poster pour m'aider à retirer mon costume.

Tout est millimétré à la perfection, je ne laisse absolument rien au hasard. Tout comme le choix de mes danseuses, préférant Georgina, Lucie et Milly, mes seules véritables amies, et deux autres filles avec qui je m'entends plutôt bien. Cela me rassure d'avoir un minimum de contrôle, même si Dimitri était réticent à m'en laisser.

D'ailleurs, notre relation s'est détériorée. Il est très remonté contre moi. Il n'a pas apprécié que je fasse plier Marco à ma volonté quand il s'est occupé de mes cheveux.

Les tatouages, il s'y est fait. De toute façon, je ne peux pas m'arracher la peau. Mais ma tête... Vous vous rappelez qu'il voulait que je porte un carré et que Marco fasse ressortir mon blond? Et bien, j'ai fait tout le contraire!

Je n'avais pas envie de revoir ma couleur naturelle si fade et mon idée de chevelure arc-en-ciel a fait pétiller les yeux du styliste, comme un enfant devant des cadeaux. Il a tremblé en pensant que Dimitri pourrait le tuer pour ça. Mais, savoir que j'aurais été la première à faire les frais de sa colère l'a assez rassuré pour qu'il rafraichisse ma coiffure et colore ma tignasse.

J'ai essayé, je le jure! Mais je n'ai pas pu. Même si mes tatouages et ma voix me différencient des autres, qu'on désire me modeler une nouvelle fois à une certaine image de fille propre et sage...

Herregud(Mon Dieu), non!

Laisser les autres faire des choix à ma place, surtout quand il s'agit de mon corps, me rend malade. Mes parents n'ont eu de cesse de me freiner, alors je prends ma revanche puisqu'ici je peux être qui je veux, que ça plaise ou pas.

Au pire qu'est-ce que je risque? De mourir? Ça, je l'avais bien compris.

Je n'ai plus envie d'être quelqu'un d'autre. Alors c'est vrai que je risque de crever bêtement si un de ces sales types a les couilles à l'envers, mais au moins j'aurais été égale à moi-même. J'en ai assez d'être une imposture.

Je me suis trop longtemps brimée et ai trop souvent terni mon âme pour plaire aux autres.

Mikhaïl m'a amené ici pour une bonne raison et ce n'est pas pour devenir le clone d'un idéal, sans personnalité, avec une image lisse et douce, alors que je suis l'exact opposé.

Le rire de Marco m'extirpe de mes pensées. Il est très sympa, bien que très peu loquace en général. Il me coiffe en répétant en espagnol combien je suis canon, tandis que Dimitri me foudroie chaque fois qu'il passe derrière moi dans le miroir, me menaçant en silence. Je soutiens son regard, l'air très assuré comparé à la tempête d'angoisse qui m'assaille et me file la nausée.

- Tu es splendide, me complimente Mikhaïl, venu m'encourager.

Il embrasse ma tempe. Le styliste nous observe et me sourit en répétant qu'il est fier de son œuvre, me faisant pouffer de rire avant d'aller s'occuper des autres. Nous avons encore un peu de temps, et il faut que tout soit parfait. Sa présence m'apaisait. Désormais seule avec mon sauveur, plusieurs émotions m'envahissent. De la reconnaissance, puisque sans lui...

Bref, on sait tous où j'aurai fini.

Mais aussi de la colère. Je lui en veux car à ses yeux je ne suis rien de plus qu'un produit. Il allait me tuer. Je me souviens très bien du canon glacé de son arme sur ma joue. Quand il a vu que je n'étais pas trop moche, il s'est dit qu'il y avait quelque chose à en tirer auprès de Dimitri. Le fait que je sache chanter était un coup de chance.