Clément se trouvait assis face à lui, le regard baissé sur le café entre ses mains, il ne savait pas quoi dire, ça relevait du miracle qu'il se trouve devant lui, il pensait l'avoir perdu à jamais pourtant il était là, il pouvait le voir, le toucher...il était réel...Pourtant il ne voulait pas le laisser entendre sa voix, il s'était enfoui dans un mutisme qui rendait ce moment particulièrement malaisant pour Evan qui ne savait pas comment engager la conversation, il était partagé par une multitude de sentiments contradictoires. D'un côté il voulait faire scandale, lui exprimer à quel point il s'était senti abandonné et d'un autre il voulait s'assurer qu'il allait bien, qu'il n'était pas parti pour quelque chose de grave, que sa vie se déroulait sans accroc. Cela faisait dix minutes qu'ils ne se disaient rien. L'ambiance était trop pesante pour Evan qui sentait déjà son coeur accélérer de panique, il se résolut à tout reprendre en main et après une longue bataille intérieure, il laissa enfin des sons s'échapper de ses lèvres.
-Comment ça va pour toi et Béa ?
-Ah ? Euh...plutôt bien.
-Pourquoi tu...es revenu ici ?
-La ville me...manquait ?
-Ah ouais ?
-J'en sais rien j'avais juste besoin de revenir !Evan se mordit la lèvre inférieure et baissa son regard sur sa propre tasse, il fit mine de mélanger son sucre qui avait déjà fondu depuis longtemps, il ne savait pas pourquoi ça se passait comme cela. Le Clément dont il se souvenait le regardait dans les yeux, lui souriait et était assez taquin...C'est comme s'il avait disparu, qu'il avait changé ou que quelque chose l'avait changé. Il l'entendit soupirer pour la énième fois et alors qu'il allait lui proposer de s'en aller, son ami prit la parole.
-Evan...Je voulais pas te quitter comme ça mais j'y ai été obligé. Je ne peux pas t'expliquer mais je veux que tu comprennes au moins ça, j'ai eu quelques soucis donc avec Béa on a déménagé et je n'ai pas eu le temps de te dire au revoir comme il fallait...Je suis sûrement un connard à tes yeux puisqu'on se connaissait depuis longtemps et que je ne t'ai même pas contacté mais je peux t'assurer que tu préfères cette situation et pas celle où on aurait garder contact.
Evan fronça les sourcils et releva la tête vers Clément, celui-ci avait aussi arrêter de regarder sa tasse, il se contentait de le fixer avec ce drôle d'air qu'il arborait depuis qu'ils s'étaient rejoints, un mélange de tristesse et de calme qui perturbait Evan.
-Je suis devenu policier entre temps.
-Ah oui ? Pourquoi tu n'es pas en uniforme ? s'étonna Clément
-J'étais en repos aujourd'hui, j'ai juste assisté à une réunion...
-Je ne me souvenais pas que tu voulais faire ça.
-Tu es parti pendant dix ans, c'est pas étonnant que tu ne saches pas ce que je voulais devenir.Clément se renfrogna mais ne se laissa pas abattre par les paroles de son ami, il poussa un soupir d'agacement.
-Je t'ai déjà dit que je t'ai pas quitté par plaisir.
-Hm...
-Bon Evan, on pourrait changer de sujet un peu ? Oui je suis partit mais c'est bon, on l'a compris.
-Bon, ok...Mais allons discuter ailleurs, il y a un bar pas loin, ça te dit ?
-Tu bois toi ?
-C'est un bon moyen de décompresser après le boulot, donc oui.
-Eh ben...Il a changé le petit Evan.
-Tais toi.La soirée était passée rapidement, ils avaient beaucoup bu, énormément discuté mais, le lendemain, tout restait atrocement flou dans la tête d'Evan. Tout ce qu'il savait, c'est qu'au final ça avait fini chez lui, que Clément dormait dans son lit, qu'il allait avoir mal à la tête durant toute sa journée de service et que ses retrouvailles avec son ami avaient étaient peu communes, bien loin de celles qu'ils s'étaient imaginées...mais ils préféraient celles-là à toutes les autres qui auraient pu arriver. Il sortit de sa chambre, faisant le moins de bruit possible pour ne pas réveiller son ami, il passa rapidement dans le salon pour y vérifier les notifications de son téléphone puis rejoignit la salle de bain où il prit sa douche. Evan s'était réveillé assez tard, il allait arriver en retard et ça le stressait au plus haut point, il détestait ne pas être à l'heure mais d'un autre côté, il se complaisait dans la raison qui lui avait volé ses heures de sommeil. En sortant de la pièce, il tomba nez à nez avec Clément qui traversait le couloir.