Chapitre 1

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Dés mes premières lueurs dans ce décor grisâtre, j'ai compris que la merveille derrière mon sommeil occuperait mes jours

bien sûr, je ne me souvenais pas de mes songes, mais un sentiment d'impossible restait coincé dans ma gorge, le nectar d'une abeille sur une gentiane, terrassant l'usine de mon frère ou les cris du proprio.

Contrairement aux racontars de quelques critiques mal informés, je ne suis pas né avec un pinceau dans les mains, juste des rêves plein le cœur et des fleurs aux yeux. Mes premiers croquis furent médiocres. Même aujourd'hui, je ne sais pas dessiner de grandes orchidées, à peine puis-je esquisser la pétale d'une jacinthe.

La seule différence repose dans la frénésie que j'appliquais à dessiner. Il faut dire que mes jambes ne marchaient pas plus qu'aujourd'hui. Je passais donc mes journées à dessiner mes rêves dans ma chambre pendant que mon frère se démenait contre des boites de conserve. Mon frère tentait de m'aider, mais les descriptions que je lui faisais de mes rêves ne lui rappelaient rien. De toute façon, l'usine l'occupait trop. Il travaillait jusqu'à l'aube pour prendre soin de nous.

Moi, j'étais trop faible pour me rendre jusqu'à l'école et trop pauvre pour un tuteur. Mes seules passions se trouvaient dans le dessin et le sourire de mon frère. Je m'imaginais un jour devenir une vaste peintre qui dessinerait tous mes rêves, si bien que tous se souviendraient des leurs en voyant l'ombrage de mon pastel.

- Dis-moi, grand frère, que je lui répétais. Quand est-ce qu'on arrivera à dessiner les rêves ?

- Bientôt... Tu verras ! Le monde entier sera illuminé par tes dessins.

Un jour, l'orage grondait. Je me suis endormie en pleurant avec les nuages. Le lendemain, un chef-d'œuvre rempli de fleur bleue reposait sur mes cuisses. Mon cœur bondit. J'y découvrais, distinctement, tout ce dont j'avais rêvé en mieux.

- Où est-ce que tu as eu ça ? A demandé mon frère en rentrant de l'usine.

- Arrête de me le cacher, que je rétorquais. C'est toi qui l'as acheté !

Mon frère a froncé les sourcils.

- Ne te moque pas de moi, petite sœur. C'est très beau. Tu dois en être fier.

Mon frère l'accrocha sur le mur et le lendemain, un dessin plus beau encore m'attendait.

Mon frère n'en revenait pas.

- Cette fois arrête de mentir ! Comment as-tu dessiné ça ?

Je continuais de nier, inconsciente de mon génie. Le lendemain, mon frère s'est couché à mon chevet , il m'a fixé toute la nuit et puis m'a décrit tout excité ce qu'il avait vu.

- Tes doigts ont pris le papier pendant que tu dormais. Tu t'es mise à dessiner les yeux fermés !

Mon frère l'a raconté à ses collègues et ses collègues ont fini par le conter à leur patron qui en parla à un ami marchand d'art. Très vite, je devins la peintre du village, puis celle du pays. Quelques années plus tard, et des centaines d'expositions après, je ne saurais toujours pas expliquer ce qui s'écoule dans mon sommeil. Une chose n'a pas changé, mes jambes me font mal et mon frère prend soin de moi. De toute façon, je n'ai pas besoin de sortir. Je passe mes journées dans mon lit à regarder de grands bouquets de fleurs acheter mon producteur, couché dans un beau lit qui recouvre un appartement au centre-ville. Mon producteur me change de matelas tos les mois pour étayer ma créativité et je crois mieux parler de matelas que de peinture. Je ne sais d'ailleurs jamais quoi dire dans les expositions.

Quelques fois, j'essayais de peindre les yeux ouverts sans y arriver.

Puis un matin, le monde perdit ses fleurs. Une voiture qui vrille et un frère en moins.

J'ai beaucoup dormi cette nuit-là, je n'ai pas voulu me réveiller

Puis pour la première fois depuis des années, je suis allé dehors pour aller autre part qu'à un vernissage. Il y avait moins de compliment et d'alcool à son enterrement, et il me semblait depuis la première fois depuis mon enfance entendre la pluie.

En retournant dans mon lit moelleux, je refusais de dormir et encore moins de peindre un chef-d'œuvre. Promis, mes yeux ont résisté, mais mes pupilles finirent par me trahir.

Le lendemain, j'ai trouvé dans mes mains un dessin comme les autres. Ça a continué comme ça pendant un bon moment. La seule différence et que je dormais moins, les yeux rouges de larme et d'insomnie ! Il me semblait que la qualité de mon sommeil nuise à mes dessins qui devinrent de plus en plus médiocres.

Mon producteur était quand même satisfait. Il parvenait à vendre mes peintures, mais moi, j'en avais que faire.

Alors, j'ai pris mes affaires et j'ai boité les marches de mon appartement pour sortir idem la rue.

Chaque nuit que je passais dans les trains et les abribus, je m'endormais avec un bout de papier, mais il n'y avait pu de dessin qui sortait plus rien. Quelque chose s'était coupé. Je roulais, persuadé de trouver la solution où tout a commencé, dans notre modeste village proche d'une usine.

Le propriétaire avait construit un musée dans l'appartement où nous avions vécu. Le bailleur qui martyrisait mon frère décrivait aux touristes à quel point il avait senti mon talent. Dissimulé dans les toilettes, j'ai attendu que la boutique ferme définitivement, puis je suis descendue le voir.

Même mon lit n'avait pas bougé j'ai souri en me couchant sur le matelas qui était devenu trop petit. Je n'avais pas dormi aussi bien dans les lits les plus luxueux au monde. Crayons en main. J'étais persuadé que se cachait un chef-d'œuvre, mais en y regardant de plus près, il n'y avait rien de particulier, juste une feuille blanche. J'ai ri.

J'avais la vie, pour quoi avoir besoin de rêve ? Juste avant de partir, j'ai décidé de jeter un dernier coup d'œil a la pièce a coté, celle de mon frère ou je n'avais jeté les pieds. Le propriétaire n'y voyait pas d'intérêt avait.

Dans la chambre, il n'y avait qu'un petit pot de gentiane bleue et fanée. Puis quelques bouts de papier qui « dépassaient de son armoire

Par curiosité, je poussais la porte et découvris, étalé dans l'armoire, des centaines de dessins avec mon style. N'était-ce pas des dessins que je faisais durant mon sommeil mon frère à cacher ? Tout en bas se trouvait la même signature sur chaque : andrei. J'ai reculé, réfléchi, puis j'ai souri. C'est lui qui avait tout fait. Les rêves devenus réalité venaient de sa main.

Les jambes tremblantes, je me suis emparé des bouts de papier dans une grande sacoche. Le soleil se levait. Il était temps que l'on reconnaisse le vrai propriétaire de ces œuvres et j'appelais rapidement mon directeur :

- Oui, pour l'exposition que tu m'avais proposée à milan ? Parfait, j'y ferais mon ultime annonce. 

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⏰ Last updated: Apr 13 ⏰

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La premiére GentianeWhere stories live. Discover now